Timbuktu |
« Ne la tuez pas fatiguez la » Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de douze ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs… Après Bamako, Abderrahmane Sissako signe un autre brûlot. Il ne s'attaque pas ici aux institutions internationales mais à la folie humaine, à travers la gangrène intégriste qui s'empare des dirigeants d'une communauté. Les interdictions et injonctions absurdes pourrissent la vie des habitants : tu mettras des gants si tu es une femme, tu porteras un pantalon long si tu es un homme, tu ne chanteras point, tu ne riras guère, tu n'écouteras pas de la musique, tu ne joueras pas au foot, mais tu pourras convoiter la fille d'autrui pour ton fils si tu es une sommité religieuse ou politique... Avec une économie de moyens que l'on comprendra aisément, le cinéaste opte pour la dénonciation d'une violence morale et physique filmée frontalement ou qui apparaît hors-champ : |
harcèlement de Satima qui se lave les cheveux en plein air, lapidation d'un couple d'amants, rondes permanentes pour s'assurer de l'obéïssance sans limite d'un peuple suspecté d'être hostile. « Ceux de qui la conduite offre le plus à rire sont toujours sur autrui les premiers à médire », s'exclamait la servante Dorine dans Le Tartuffe de Molière. Le franc-parler contre l'intolérance est ici incarné par une sorcière en verve qui lancera un définitif « Connards ! ». C'est d'ailleurs l'une des seules séquences humoristiques de ce pamphlet, si l'on excepte un quiproquo au téléphone dû à la multiplicité des langues parlées par les moudjahidins (de toutes nationalités et réunis sous la bannière du djihad) et la population. Le français, l'anglais, l'arabe, le tamasheq et divers dialectes, loin de favoriser la diversité culturelle, symbolisent ici l'incompréhension et l'inquiétante incongruité d'une situation politique marquée par l'oppression et la difficulté à communiquer. Même si le film vaut davantage par son propos que sa mise en scène, somme toute réduite à sa plus simple expression, Timbuktu est une œuvre estimable qui n'a pas démérité son prix œcuménique. On gardera le souvenir des images de jeunes gens organisant un match de foot sans ballon, symbole manifeste d'une résistance à la censure et l'intimidation. Gérard Crespo
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1h40 - Mali, France, Mauritanie - Scénario : Abderrahmane SISSAKO, Kessen TALL - Interprétation : Abel JAFRI, Hichem YACOUBI, Pino DESPERADO. |