Overlord |
Tom got his gun C’est ce que l’on appelle un film rare. Présenté en 1975 au Festival de Berlin où il obtint le Prix spécial du Jury, Overlord a été peu montré par la suite. Sa distribution en salles se cantonna au Danemark, au Japon et aux États-Unis. Ni le Royaume-Uni (qui l’avait produit) ni la France ne diffusèrent l’œuvre. Plus qu’à sa forme qui peut dérouter au premier abord, on peut penser que c’est à sa vision peu héroïque de la Seconde Guerre mondiale et du débarquement que le film doit d’être passé à la trappe. Cette (auto ?) censure politique qui ne dit pas son nom n’était tout compte fait guère étonnante pour la France, qui avait déjà bien mal accepté Les Sentiers de la gloire ou Le Chagrin et la pitié. Le film n’étant disponible qu’en DVD d’importation, c’est avec intérêt qu’on attendait la version restaurée par Stuart Cooper lui-même, et présentée en avant-première mondiale au Festival de Cannes 2014. Prolongeant la démarche humaniste et discrètement antimilitariste de À l’Ouest rien de nouveau, Johnny s'en va-t-en-guerre, voire Les Croix de bois, le film est une ode à la jeunesse et une dénonciation sans concession de l’utilisation de la « chair à canon ». Jeune homme de vingt-deux ans enrôlé malgré lui, Tom découvre l’inhumanité du monde militaire, avec sa hiérarchie bornée, ses rituels infantiles, et l’horreur suscitée par les carnages et leur anticipation. Le récit utilise les conventions du récit de guerre (camaraderie envers et contre tout, désordre ubuesque des combats, repos du guerrier avec une pure jeune fille ou des dames de petite vertu), avec une distance permise par un montage subtil.
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Le film propose en effet plusieurs dimensions temporelles et psychologiques, la linéarité étant parfois rompue au profit de retours en arrière plus ou moins furtifs et d’images révélant l’inconscient du protagoniste. Ce décalage est accentué par le recours systématique à des documents d’époque. C’est qu’à l’origine, Stuart Cooper devait réaliser un documentaire. Il a finalement opté pour un entrelacement d’archives de guerre à la narration fictionnelle, en puisant dans les archives de l’Imperial War Museum, auxquelles il a eu accès entre 1971 et 1975. Bombardements dans les rues de Londres, prises de vue aériennes ou journaux intimes sont ici utilisés à des fins de caution réaliste, sans oublier les images de préparatifs d'Overlord, nom de code du débarquement en Normandie de 1944. Loin de l’académisme international du Jour le plus long, le film de Stuart Cooper est un véritable poème documentaire, adoptant un ton unique dans le genre. Il faut aussi souligner la splendeur du noir et blanc de John Alcott, qui devait signer la même année la photo de Barry Lyndon. Pour reproduire l’atmosphère de l’époque, il avait utilisé une pellicule Kodak d’origine allemande et des lentilles de caméras militaires des années 30. La restauration du film, prise en charge par Criterion, a été effectuée à partir d’une copie neuve 35mm à grain fin. Il reste maintenant à espérer que le film soit enfin distribué en France. Gérard Crespo
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1975 - 1h24 - Royaume-Uni - Scénario : Christopher HUDSON, Stuart COOPER - Interprétation : Brian STIRNER, Davyd HARRIES, Nicholas BALL, Julie NEESAM, Sam SEWELL. |