Seconds - L'Opération diabolique
Seconds
de John Frankenheimer
Sélection officielle
Cannes Classics


Sortie en salle : 16 juillet 2014




« Je est un autre »

Arthur Hamilton (John Randolph) est un homme d'âge mur qui semble avoir réussi sa vie professionnelle et familiale en dépit d'une existence monotone. Il reçoit un jour un coup de téléphone de Charlie (Richard Anderson), un ancien ami qu'il croyait mort. Celui-ci lui révèle alors qu'une vie nouvelle est possible, qu'il peut tout changer s'il le désire, mais qu'il doit se dépêcher "avant qu'il ne soit trop tard". Rappelé plusieurs fois, Arthur est de plus en plus troublé par ce mystère et décide de répondre au rendez-vous qui lui est donné dans une blanchisserie...

John Frankenheimer a été formé à la télévision américaine, à l’instar de plusieurs cinéastes de sa génération comme Sidney Lumet, Robert Mulligan ou Martin Ritt. Comme eux, il s’est montré un auteur singulier et percutant, tout en associant son nom à des superproductions ou des films de studios inégaux qui l’ont fait sous-estimer dans l’histoire du cinéma. Seconds est, avec Un crime dans la tête, son œuvre la plus aboutie et impressionnera bien des spectateurs près d’un demi-siècle après sa sortie.

Adapté d’un roman de David Ely, le film est au croisement de plusieurs genres : drame romanesque, policier, fantastique, science-fiction, voire film politique, par métaphore. Au milieu des années 60, certains réalisateurs américains ont en effet entrepris une critique de la société américaine, de manière frontale ou par le biais de la fable, comme cela est le cas ici. Au premier degré, Seconds est certes un polar au suspense efficace, sans courses-poursuites ni explosions, d’une rigueur et d’une imagination narrative, dans la lignée de En quatrième vitesse (R. Aldrich, 1955) ou Psychose.

Fausses pistes, faux-semblants, atmosphère étrange, manipulation, sensation d’étouffement et de fuite du personnage principal en sont les ingrédients. Mais l’histoire, limpide comme un conte, n’est jamais noyée par un scénario sur-écrit, défaut majeur de certains films d’action contemporains.

Au-delà de son récit passionnant, Seconds fascine par son montage et des images audacieuses pour l’époque. On est ainsi frappé par cette incroyable séquence d’orgie sur une plage de Malibu ou un assassinat filmé hors-champ mais avec un outil que l’on a vu auparavant. Réalisé en pleine période de contre-culture hippie et de contestation de la guerre du Vietnam, le film de Frankenheimer se fait en outre un plaisir de dénoncer, implicitement, certaines dérives du pouvoir politique et économique des États-Unis, symbolisé ici par la redoutable compagnie dirigée par le maléfique Mr. Ruby (Will Geer). Il faut par ailleurs souligner la qualité de l’équipe technique et artistique. Saul Bass au générique, Jerry Goldsmith à la musique ou James Wong Howe à la photo contribuent à la réussite de l’ensemble, et le casting a été particulièrement bien choisi. Rock Hudson, vedette incontestable mais comédien souvent mollasson, trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Il est bien entouré par une galerie d’« acteurs de caractère » dont la troublante Salome Jens ou l’étonnant Khigh Dhiegh. Présenté au Festival de Cannes en 1966, le film fut reçu assez tièdement, l’année où le jury de Sophia Loren donna la Palme à Un homme et une femme. On croît rêver... En mai 2014, la section Cannes Classics du Festival rendait hommage à Sophia et présentait une version restaurée numérique de Seconds, qui a tous les attributs du futur film culte. C’est cette version que les spectateurs peuvent désormais découvrir dans les salles.

Gérard Crespo


1966 - 1h40 - États-Unis - Scénario : Lewis John CARLINO, d'après le roman de David ELY - Interprétation : Rock HUDSON, Salome JENS, John RANDOLPH, Will GEER, Jeff COREY, Richard ANDERSON, Karl SWENSON, Murray HAMILTON, Frances REID, Knigh DNIEGH, John LAWRENCE, Wesley ADDY.

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