L'Homme qu'on aimait trop
de André Téchiné
Sélection officielle
Hors compétition



Sortie en salle : 16 juillet 2014




« Je ne peux pas laisser l’assassin d’Agnès en liberté »

Avec ce film de commande sur fond de cas judiciaire à rebondissements et de guerre des casinos sur la Côte d’Azur, André Téchiné se la joue fine en cadrant l’histoire sur le personnage d’Agnès, l’héritière Le Roux, le corps manquant.

C’est en 2006 que Renée Le Roux demande au procureur la réouverture de l’affaire Agnelet, close sur un non-lieu, concernant sa fille Agnès, disparue le week-end de la Toussaint 77. Le flashback rembobine alors trente années de rebondissements pour se fixer sur cette année 1976, où Agnès rentre d’Afrique et replonge dans un milieu social auquel elle refuse de se soumettre. Sa mère règne en maître sur le casino Le Palais de la Méditerranée de Nice, conseillée par Maurice Agnelet, avocat aux dents longues multipliant les aventures sentimentales et qui s’est précédemment occupé du divorce d’Agnès.

Jusqu’au jour où la guerre des casinos bascule, à force de pratiques mafieuses et de prises d’intérêt illégales menées par la municipalité Médecin, du côté du concurrent Fratoni, empereur du Ruhl, à la faveur d’une partie truquée qui met à genoux l’entreprise de Renée Le Roux.

Les péripéties financières et affairistes ne sont pourtant que le décor où s’affronte et se déchire le trio :

Mme Le Roux jugeant sa fille trop instable et jaugeant avec discernement son homme de soit disant confiance sans que celle-ci soit totale, Agnès en connivence avec la mer où elle se ressource et en lutte ouverte avec sa mère, refusant son statut d’enfant gâtée et aveuglément amoureuse, Agnelet tout à son obsession de prise du pouvoir, servile avec la première, brutal et humiliant avec la seconde, gendre idéal en apparence mais salaud ordinaire en réalité. En toute occasion, et en opposition à sa fille, Renée Le Roux, reste lucide : « Maurice finit toujours par avoir tout le monde. » C’est ainsi qu’au moment stratégique, le bellâtre replace ses pions sur l’échiquier, dont Agnès sera la pièce maîtresse et fatale à l’empire maternel.

Avec Catherine Deneuve et Guillaume Canet, l’interprétation est à son plus haut niveau. Qui n’atteint cependant pas la performance d’Adèle Haenel, dont le personnage a profondément inspiré le réalisateur. Rebelle, instinctive, éperdue d’amour, athlétique et fragile à la fois, Agnès est l’œil du cyclone et des rapports de force et de violence inhérents à ce procès d’une classe sociale. Par dessus tout, on retiendra les larmes d’Agnès, ses transes, sa chanson pour ne pas pleurer, ses lettres d’amour dignes de celles d’une femme de lettres du XVIIIe siècle : « Je vous aime comme il faut aimer, avec excès, avec folie, transport et désespoir. »

Marie-Jo Astic



 

 


1h56 - France - Scénario : Cédric ANGER, André TÉCHINÉ - Interprétation : Catherine DENEUVE, Guillaume CANET, Adèle HAENEL, Judith CHEMLA.

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