Coming Home
Gui Lai
de Zhang Yimou
Sélection officielle
Hors compétition



Sortie en salle : 17 décembre 2014




« Yan Shi, va-t-en ! »

Dans ce drame romantique, Zhang Yimou adapte, avec sensibilité, sobriété, élégance et toute la maîtrise de l’art qu’on lui connaît, les dernières pages d’un roman de Geling Yan et ressuscite en douceur – peut-être trop – les fantômes de la révolution culturelle qui sévit dans la Chine de Mao de 1966 à 1976.

Une troupe de très jeunes filles répètent avec conviction une chorégraphie militaire, pour laquelle Dan Dan, de fait la meilleure de sa promotion, espère être choisie pour interpréter le premier rôle. Mais elle est convoquée avec sa mère, Wan Yu, par le parti : Yan Shi, père et mari, vient de s’échapper à la faveur d’un transfert d’un camp de travail à l’autre, lieux de recadrage musclé gentiment appelés à l’époque « ferme de rééducation ». Il n’est donc pas question qu’un premier rôle échoit à la fille d’un ennemi politique.

Fugitif désespéré, Yan Shi parvient à gagner, imprudemment, l’appartement familial, où Wan Yu craint trop les représailles pour lui ouvrir la porte : les époux se donnent pourtant rendez-vous à la gare. Mais Dan Dan veille : elle renie ce père, arrêté alors qu’elle avait 3 ans, celui par qui son malheur arrive et tous ses espoirs s’écroulent. Elle le dénonce.

C’est trois années plus tard que la fin de la révolution culturelle est proclamée et Yan Shi réhabilité. Entre temps Dan Dan a fait disparaître des albums de famille tout souvenir visuel de son père. Et depuis ce jour-là, Wan Yu qui culpabilise laisse délibérément la porte de l’appartement ouverte.

En la poussant, Yan Shi retrouve son piano du temps où il était professeur, devenu aujourd’hui si inutile et si envahissant. Il retrouve aussi sa femme, qui, frappée d’amnésie psychotique, ne le reconnaît pas et le chasse. Le revenant va alors commencer un long travail de reconquête, selon la thérapie du « déjà vu », d’autant plus difficile que plus aucune preuve ne subsiste de son existence antérieure.

Pour Wan Yu, qui a banni sa fille de la maison, son mari va revenir le 5… d’un mois à définir et elle se rend obstinément et vainement à la gare pour aller l’accueillir. Délicat, patient, usant de mille stratagèmes, Yan Shi ne perd jamais espoir et, avec la complicité retrouvée de Dan Dan, c’est à travers la lecture des anciennes lettres – les plus belles scènes du film – que va s’instaurer petit à petit un état de grâce au goût doux-amer, au niveau d’une famille bizarrement recomposée tout autant qu’au niveau de la destinée d’un pays.

Non sans larmes, mais sans colère, dans un geste d’apaisement, Zhang Yimou, privilégiant cette fois-ci l’émotion visuelle à l’esthétisme, s’auto-inflige une sorte de censure sur l’Histoire, symbolisée par l’amnésie de Wan Yu. Il laisse ainsi place à la réconciliation avec le passé, à travers la métaphore de la relation entre les deux époux magnifiques, superbement interprétés par Gong Li et Che Daoming.

Marie-Jo Astic



 

 


1h51 - Chine - Scénario : Zou JINGSHI, d'après le roman de Yan Geling - Interprétation : Chen DAOMING, Gong LI.

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