Le reflet du destin de l’Espagne

Natalia et Carlos ont 23 ans et ils s'aiment. Mais ils habitent l’Espagne où 54 % des 16-24 ans sont au chômage. Ils vivent chez leur mère, dans une grande précarité. Natalia tombe enceinte. Ayant décidé de garder le bébé, joindre les deux bouts devient encore plus difficile qu'avant. Distribuer des CV à des gens qui n'en veulent pas, espérer tirer des indemnités d'un procès pour agression... Rien n'y fait, l'obsession de l'argent manquant annihile tout espoir, tout avenir.

Jaime Rosales met en scène un joli film sur la précarité de la jeunesse espagnole, directement frappée par la crise aujourd’hui. Refusant tout misérabilisme et, sans exagération, mais avec beaucoup d’amertume, il dresse le portrait de deux jeunes qui reflètent le destin de l’Espagne tout entière, celle qui connaît la grisaille après avoir connu la croissance. Son style est simple (il n’entend pas révolutionner le genre) et précis : en cela, il décortique les mécanismes de la crise et ses conséquences sur le couple et leur vie au quotidien.

On est bien en présence d’un cinéma du réel, sans emphase ni effets, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. Politique, sans être didactique et plombant, le film bénéficie d’une mise en scène élégante, d’une belle photo (assez grise) et de la performance des acteurs, tous très bons et d’une grande justesse. À signaler une idée originale dans la mise en scène : le résumé de deux moments de vie de ces deux protagonistes (la grossesse et la maternité ; le départ et l’installation en Allemagne de Natalia) en faisant défiler directement à l’écran, et sans aucune musique, les chats, les textos et les photos prises du téléphone et jeux vidéo en ligne (un moyen aussi de communiquer pour la jeune génération actuelle).

Comme l’indique le titre, une belle jeunesse mais gâchée, sacrifiée sur l’autel du libéralisme et qui tente par tous les moyens de s’en sortir et de vivre.

Xavier Affre