Le Passé |
C’est comme ça qu’après on s’excuse toute sa vie Avec Le Passé, Asghar Farhadi ne quitte pas son domaine de prédilection : les sentiments, bousculés par la culpabilité, encombrés de fausses certitudes, rétifs à la confession. En s’exilant à Sevran (banlieue parisienne), il ne rompt pas non plus avec l’Iran : ici ou ailleurs le bien et le mal, la vérité et le mensonge ont la même résonance sur les hommes. « Elles sont comment les Iraniennes ? » demande Lucie à Ahmad. Elles sont comme les femmes d’ici, répondra-t-il. Comme Marie que Ahmad vient rejoindre en France depuis Téhéran, où leur séparation l’avait ramené, pour régler leur divorce. À l’aéroport, donc, où Marie vient chercher Ahmad, le dialogue muet de la très belle scène d’ouverture révèle la tendre complicité qui perdure, malgré le temps, entre le couple. Elle sera la seule du genre, vite balayée par les parasitages, les mises au point, les malentendus qui viennent entretenir un perpétuel climat de violence, parfois réfrénée, souvent exacerbée dans une famille en attente urgente de recomposition, mais irrémédiablement confrontée à un passé dont on ne se débarrasse pas si facilement. Pour l’instant, la petite communauté est à l’image de la maison de Sevran : en réfection, en travaux de peinture, en espoir d’une rénovation qui tarde à s’accomplir. Si Marie, mère d’une adolescente en mal d’ailleurs, Lucie, et d’une petite Léa, a fait venir Ahmad, c’est pour régulariser sa situation et mettre de l’ordre dans sa vie, afin de, une fois encore, pouvoir la refaire. |
Le nouvel élu est Samir, père de Fouad, gamin teigneux et buté, et mari de Céline, plongée dans le coma à la suite d’une tentative de suicide, mais aussi bientôt père de l’enfant que porte Marie. C’est Ahmad qui joue le rôle de révélateur de ce monde perturbé et d’accoucheur de ces vies un peu foutraques. Au fil de scènes chaotiques, de malaises pesants, dans une atmosphère déstabilisante et où le moindre petit détail peut à tout moment prendre des proportions inattendues, Asghar Farhadi trame brillamment un scénario façon poupées russes, où les rebondissements successifs (ressort sur lequel il joue peut-être un peu trop) trouvent leur apothéose dans la subtile scène finale, dont la discrétion vient in extremis s’opposer au tumulte des enchaînements précédents. Et c’est Marie, dans sa violence entêtée, qui offre à Bérénice Béjo l’occasion d’une extraordinaire performance. Énervante et touchante à souhait, toujours à fleur de peau, cachant ses doutes sous des a priori et des postures irréversibles, revendiquant son aversion pour les « pardons », elle affiche plus que les autres personnages son illusoire détermination à tirer un trait sur le passé : « Je ne veux plus revenir en arrière. » De toute évidence, le pari n’est pas gagné. Marie-Jo Astic
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2h10 - France - Scénario : Asghar FARHADI - Interprétation : Bérénice BEJO, Tahar RAHIM, Ali MOSAFFA, Pauline BURLET, Sabrina OUAZANI. |