Jimmy P. |
Un Indien dans l'asile Arnaud Desplechin se propose d'adapter un écrit du psychanalyste et ethnologue George Devereux, passionné de culture indienne et qui tenta de soigner Jimmy Picard, un Blackfoot ayant combattu en France pendant la la Seconde Guerre mondiale. L'action se situe à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy P. souffre en fait de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition... En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis de Georges Devereux... Tout le cinéma de Desplechin semble une radioscopie de l'âme humaine, de La Sentinelle à Un conte de Noël. Comme à son habitude, le cinéaste prend son temps, même si la durée de deux heures peut sembler minime compte tenu de la longueur de certains de ses autres longs métrages. Le meilleur du film réside dans le portrait de cet antihéros campé à merveille par Benicio Del Toro qui n'aurait pas volé un second prix d'interprétation masculine. Blasé et alcoolique, tout en étant lucide et coopératif, Jimmy rejoint la galerie des êtres à la dérive qui peuplent le cinéma de Desplechin depuis La Vie des morts. L'étrangeté des rapports entre le psy et le malade n'est pas sans rappeler les ruptures de ton déployées dans Rois et reine, et le recours à la langue anglaise, pour un tournage situé aux États-Unis, semble un retour aux sources pour l'auteur de Esther Kahn. |
D'où vient alors le goût d'inachevé qui semble rejaillir de l'œuvre ? Sans parler d'académisme, nous dénotons une certaine sagesse dans cette adaptation à laquelle il manque tant l'empreinte stylistique qu'un Truffaut avait su graver dans L'Enfant sauvage (autre cas d'un traitement médical et psychique), que le souffle subversif de Vol au-dessus du nid de coucou, auquel on ne peut s'empêcher de penser ne serait-ce que par le thème de l'enfermement de malades mentaux dont un Indien d'Amérique... Jimmy P. ressemble davantage à une commande personnalisée qu'à un véritable film d'auteur, même si les flash-back narratifs sont adroitement insérés au dispositif : on y voit Jimmy P. traumatisé par la trahison d'une mère et celle (supposée) de la jeune fille qu'il faillit épouser dans sa jeunesse. Ce sont les rares séquences authentiquement créatives du film. Il faut dire que le Benicio crève l'écran par la sobriété et l'intensité de son jeu, qui contraste avec le cabotinage d'un Mathieu Amalric en roue libre dans un univers où il se sent en terrain conquis. Au final, cette œuvre vaut plus que le détour mais nous laisse sur notre faim compte tenu des antécédents brillants du réalisateur. Gérard Crespo
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2h - France - Scénario : Arnaud DESPLECHIN, Julie PEYR, Kent JONES d'après le roman de Georges Devereux - Interprétation : Benicio DEL TORO, Mathieu AMALRIC, Gina McKEE. |