Henri
de Yolande Moreau
Quinzaine des réalisateurs
Clôture


Sortie en salle : 4 décembre 2013




On l’aimait bien, même qu’elle était chiante

Pour sa générosité, son humanité, son humour, sa gentille grivoiserie, Henri est un film 100 % belge. On y boit formidablement, le diable existe encore et la folie n’est jamais très loin. Cela génère un sujet casse-gueule, comme l’histoire de Henri et de Rosette, au service de laquelle la trop rare réalisatrice Yolande Moreau met toute son élégance et son intelligence.

En banlieue de Charleroi, Henri et Rita, la cinquantaine fatiguée, tiennent La Cantina, petit routier avec œuf mayo comme spécialité. Le drapeau italien et la rengaine Ti amo témoignent des origines italiennes du couple déjà vieux. Ici entre colombophiles, on passe le temps, écoutant une météo immanquablement sinistre et sirotant facilement quelques bières.

La routine et les années ont eu raison des rêves de Henri, taiseux à l’image de l’ensemble du film, et forcément un peu alcoolique par habitude.

Par crise cardiaque interposée, le destin frappe Rita. Pour le repas de deuil, dont la scène du plan de table restera dans les mémoires, tante Michèle (jouée par Yolande Moreau) a fait appel à l’aide de Rosette, un Papillon blanc, c’est-à-dire résidente d’un foyer de handicapés mentaux tout proche.

Aux accents de Vinti quattro mila baci, la chanson préférée de Rita, Henri et ses potes Bibi et René arrosent copieusement la disparition de la belle et regrettée emmerdeuse, dans un décor de terril de verre brisé pour unique montagne.

Une fois dégrisé, Henri suit les conseils de sa fille Lætitia et recrute Rosette pour l’aider au restaurant. Rosette a une trentaine d’année et des rêves de normalité affective et sexuelle plein la tête. Yolande Moreau filme le handicap sans sensiblerie, avec une rugosité revendiquée. La gentille Rosette s’avère manipulatrice, elle aiguillonne Henri pour qu’il passe à la vitesse supérieure : « T’es mou ! » lui lance-t-elle comme un défi.

Sa fragilité se révèle lorsque les deux se décident à prendre leur envol vers Middlekerke, front de mer bétonné de la côte flamande : phobie de la solitude lorsque le vent s’engouffre dans la pièce, rêve de mariée lorsque doucement elle se drape dans les voilages des rideaux.

Des merveilleux lâchers de pigeons en Wallonie aux incomparables nuances de la mer du Nord en Flandre, Yolande Moreau n’a pas son pareil pour filmer le plat pays, la tendresse de ces gens-là et, malgré le temps gâché et perdu, leur formidable envie de vivre.

Marie-Jo Astic


 

 


1h47 - France - Scénario : Yolande MOREAU - Interprétation : Pippo DELBONO, Candy MING, Jackie BERROYER.

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