La Dernière corvée |
Les marins sont toujours marrants La Dernière corvée est le meilleur film de Hal Ashby, artisan hollywoodien qui connut son heure de gloire dans les années 70 avec Harold et Maude, Le Retour et Bienvenue Mister Chance. L'œuvre s'inscrit dans la tendance du cinéma contestataire des années 70. Le réalisateur et son excellent scénariste Robert Towne (Chinatown) adoptent un ton de comédie acerbe à mi-chemin de M.A.S.H. (pour l'antimilitarisme) et de Vol au-dessus de nid de coucou (pour la critique de l'ordre social). Mais le matériau initial est un roman de Darryl Ponicsan. Deux sous-officiers de carrière de l'US Navy sont chargés de convoyer jusqu'à une prison militaire un jeune marin kleptomane condamné à huit ans de détention. Buddusky (Jack Nicholson) est le chef de mission. Farfelu, rebelle, à la limite de l'insoumission, il est secondé par Mulhall (Otis Young), un marin Noir ayant la tête sur les épaules, intelligent et respectueux des ordres, mais n'hésitant pas à enfreindre lui aussi le règlement lorsqu'il s'agit de contourner la mission en s'attardant dans des pubs, restaurants voire bordels locaux. C'est que Buddusky s'est mis en tête de faire plaisir au jeune prisonnier Meadows (Randy Quaid) et de l'aider à passer de bons moments avant son enfermement. Aussi, on fait exprès de rater les correspondances de train, et on s'attarde dans des lieux plus ou moins pittoresques de Washington, Boston ou New York... |
Le film décrit une Amérique en pleine crise morale, politique et spirituelle, à la fin d'une guerre du Vietnam désastreuse et des Trente Glorieuses triomphantes. Au fil de leur voyage, les trois compagnons côtoient ainsi des personnages singuliers à l'instar de ces membres d'une secte, croisés au détour d'une rue, hostiles au président Nixon, s'adonnant à des rituels de transe, et dont les psalmodies iront jusqu'à séduire Meadows. Curieux bonhomme que ce jeune soldat taciturne, qui ne ferait pas de mal à une mouche, ne cherchant pas à s'enfuir, acceptant le sort qui lui est réservé, mais qui finit par prendre goût à l'esprit subversif des deux sous-officiers. Il anticipe un peu le personnage de Brad Dourif qui s'attirera les bienveillances du même Nicholson dans le film de Forman. Road movie inspiré, La Dernière corvée regorge de scènes savoureuses, à l'image de ce pique-nique dans un parc enneigé, où l'on prépare un minable barbecue à base de hot-dogs sans pain... Le film permit à Jack Nicholson de remporter le prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes 1974. Il a été présenté cette année dans la section Cannes Classics avec une copie restaurée en numérique par Sony Pictures Colorworks. Il est disponible dans une nouvelle édition DVD depuis le 12 juin et sera distribué en salles à l'automne. Gérard Crespo
|
1h46 - États-Unis - 1973 - Scénario : Robert OWNE, d'après le roman de Darryl Ponicsan - Interprétation : Jack NICHOLSON, Otis YOUNG, Randy QUAID, Carole KANE, Nancy ALLEN. |