Un château en Italie |
Un monde qui se termine et un amour qui commence On aime bien Valeria Bruni Tedeschi, son jeu décalé, son autodérision, son charme fou, (intact depuis Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel), et aussi son écriture délicate distillant une très jolie musique. Plus que dans Actrices, son premier film en tant que réalisatrice, Bruni Tedeschi réussit ce mélange de comédie et de gravité des sentiments, puisant dans une veine semi- autobiographique l'essentiel de son inspiration. La quarantaine lui sied, et davantage qu'à son personnage de Louise : éternelle insatisfaite, celle-ci est partagée entre l'amour d'une famille attachante mais désagrégée et une volonté de mener à bien ses projets. Mais quels projets ? Actrice ratée ayant décroché et ne cherchant plus de rôles, Louise passe son temps entre la France et l'Italie où elle ronge son mal de vivre. De l'achat d'un chapelet qu'elle se sent obligée d'acheter à un moine qui l'a hébergée, à la distribution de la soupe populaire dans les bas quartiers où elle se fait insulter par une SDF resquilleuse, Louise est à la fois bonne poire et bonne fille. Bonne fille, elle l'est tout autant au sens propre lorsqu'elle tente de dissuader sa mère de vendre le château familial, dernier vestige du prestige d'une bourgeoisie industrielle désargentée. Entre un frère gravement malade et auquel elle est très attachée et un ami de la famille (Xavier Beauvois) qui joue les boulets malfaisants, Louise doit s'accommoder de tous et concilier tout le monde. |
Aussi, sa rencontre avec Nathan (Louis Garrel, de plus en plus en plus lunaire), de quinze ans son cadet, semble-t-elle être la dernière chance de trouver un sens à sa vie, d'autant plus que le jeune homme est aspirant comédien (ce qui lui rappelle ses succès passés) et qu'il n'est pas contre le fait d'avoir un enfant. « Vous n'allez pas m'appeler Madame, nous avons presque le même âge », assène avec un large sourire la mère de Nathan, incarnée à la perfection par Marie Rivière, ex-égérie de Rohmer. Loin de la gentillesse roublarde du récent 20 ans d'écart, les relations entre Louise et Nathan sont peintes avec une extrême subtilité et donnent droit aux meilleures séquences, surtout quand un comique de situation révèle que le père de Nathan (André Wilms) avait jadis dirigé Louise dans un film. Le petit monde de Valeria Bruni Tedeschi est ainsi fait de hasards et de coïncidences, et l'on y passe du (sou) rire aux larmes (discrètes) tant l'actrice-comédienne est toujours en borderline, oscillant entre une drôlerie tragique et un drame gai, à l'image de cette séquence où elle se voit refouler par une religieuse italienne dans un lieu saint au prétexte qu'elle n'est pas mariée. Ce troisième long métrage confirme donc le talent d'auteure d'une de nos actrices les plus sensibles. Gérard Crespo
|
1h44 - France - Scénario : Valeria BRUNI TEDESCHI, Noémie LVOVSKY, Agnès de SACY - Interprétation : Louis GARREL, Xavier BEAUVOIS, Valeria BRUNI TEDESCHI, André WILMS, Filipo TIMI. |