Michel Petrucciani |
Un mètre de génie Mesurer quatre-vingt-dix-neuf centimètres mais devenir un des plus grands musiciens de Jazz au monde, souffrir d’une ostéogénèse imparfaite (maladie des os de verre) mais développer une main gauche réputée la plus solide et véloce des pianistes de sa génération, démontre une volonté hors du commun et surtout un travail acharné pour dépasser le handicap et vivre à fond sa passion. Michel Petrucciani commence fort, quand à l’âge de quatre ans, déjà imprégné de musique avec un père guitariste de jazz, juste après avoir vu le grand Duke (Ellington) à la télévision, réclame à ses parents un piano. Se retrouvant face à un jouet, le jeune garçon prend un marteau et brise l’objet pour montrer sa détermination à l’acquisition d’un vrai piano, avec ses quatre-vingt-huit notes, ses cordes… et ses marteaux ! Le parcours de Petrucciani donne de fait une sacrée matière à un biopic d’un musicien d’exception. Mais bien au-delà de la beauté et de l’intensité de sa musique, de ses rencontres avec les plus grands jazzmen du moment, de Charles Lloyd à Wayne Shorter en passant par Joe Henderson, Roy Haynes, Eddy Louis ou Dizzy Gillespie, de ses premiers concerts de petit surdoué aux dernières tournées à New-York avant sa mort en 1999, Michael Radford a voulu orienter son point de vue sur la personnalité du musicien. À travers les interviews de ceux qui ont partagé une partie de la vie du musicien, il est clair que le réalisateur de Il Postino a voulu rendre attachant le personnage sans en dissimuler ses parts d’ombre. |
C’est sans doute à la fois le point fort et la faiblesse du film. Entre les séquences d’archives, s’interposent de très (trop ?) nombreux témoignages d’une trentaine de personnes, amis, musiciens, agents et surtout les trois femmes qui ont le plus compté dans la vie du pianiste. Si l’humanité qui en ressort égale celle de ses compositions musicales, le choix de ne pas identifier les intervenants fruste grandement le plaisir documentaire à l’écoute des propos. Par ailleurs, on se désintéresse un peu rapidement des frasques chaotiques de la vie sentimentale de Petrucciani, même si elles éclairent cet appétence de vie et cette volonté de vivre le plus vite possible ce dont sa courte existence annoncée le privera rapidement. On se prend à regretter, ou en tous cas à mettre en comparaison, l’excellent documentaire réalisé par Frank Cassenti en 1983, Lettre à Michel Petrucciani. Alors que le film s’ouvre sur September second, une des plus belles compositions du pianiste, Michael Radford semble oublier peu à peu d’aller explorer l’extraordinaire talent de compositeur du musicien, mélodiste qu’il n’est pas exagéré de comparer au grand Bill Evans. Au-delà de ce qui peut être discuté sur les choix documentaire et malgré cette optimisme de vie qui transpire du film dans le parcours de ce génie du jazz, se fait malheureusement ressentir ce qui fera au fond le défaut majeur du film : Michael Radford n’a jamais rencontré Michel Petrucciani… Jean Gouny |
1h30 - France, Italie, Allemagne - Documentaire |