L'Exode - Soleil trompeur 2 |
« Dites-moi : que pensez-vous du général Kotov ? » Tandis que Beria goûte au plaisir de la pêche et que Staline évoque ses petites madeleines en fêtant son anniversaire dans sa datcha, Kotov abandonne sa stature dévouée au petit père des peuples pour écraser convulsivement la tête de son maître dans la crème de l’énorme gâteau. Cette séquence onirique gratifie d’une introduction prometteuse le deuxième volet du triptyque entamé par Mikhalkov voici plus de quinze ans, malheureusement suivie de deux heures et demi hallucinées d’un bruit tonitruant qui aura rapidement raison du gracile papillon et de la fameuse petite musique de Soleil trompeur Ier . Pour hurler cet exode du général Kotov – Mikhalkov himself – sur les routes apocalyptiques de l’enfer de la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément de juin 1941 à mai 1943, le réalisateur conjugue humour, horreur et esthétisme, au fil d’un scénario copieux en lâchetés, héroïsmes, boucheries, amour filial, bondieuseries et amitié, mis en scène par une caméra boulimique de spectacle démesuré. |
La prétention est omniprésente jusque dans l’argument du réalisateur qui se targue d’avoir voulu traiter ni plus ni moins de la « métaphysique de la destruction ». Elle s’efface malheureusement lorsqu’il s’agit d’assumer pleinement, sous prétexte de dérision, toute charge contre Staline. Dans la veine humoristique, on retiendra cependant le gag des archives du parti, elles-mêmes en exode et promises au naufrage, de préférence – car le rire devient sarcasme – au destin de la très jeune troupe d’élite calibrée à 1,83 mètres et forcément promise à l’abattoir. Il reste alors à respecter le point de vue de l’auteur qui revendique ici sa « propre vision de cette guerre » et accepter les tribulations surréalistes de son héros, éternel miraculé abonné à une chance qui pourtant ne courait pas les champs de bataille à l’époque. Et même si trop de cinéma nuit au cinéma, il reste aussi quelques instants de grâce – quand une petite fille tzigane n’a que son tambourin à opposer au massacre annoncé – ou de lyrisme dans la scène ultime où depuis la nuque fragile de Nadya, le champ s’élargit sur ses épaules blanches jusqu’à embrasser un monde fracassé, glacial et hérissé de lambeaux de ferraille. Juste de quoi titiller un peu plus une nostalgie lancinante pour certains Yeux noirs. Marie-Jo Astic
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2h21 - Russie - Scénario : Nikita MIKHALKOV, Vladimir MOSEYENKO, Aleksandr NOVOTOTSKY, Rustam IBRAGIMBEKOV - Interprétation : Nikita MIKHALKOV, Oleg MENCHIKOV. |