Un poison violent
Love Like Poison
de Katell Quillevéré
Quinzaine des réalisateurs
palme

Sortie en salle : 4 août 2010




« L’endroit d’où je viens »

Pour le titre de son premier long métrage, Katell Quillévéré s’est inspirée de l’une des chansons que Gainsbourg écrivit pour l’album Anna en 1967 : Un poison violent, c’est ça l’amour.

Elle nous invite à accompagner Anna, 14 ans, au cours de ces quelques jours où la jeune et sensible héroïne va s’émanciper de l’univers confiné et étriqué de sa Bretagne bigote et s’ouvrir au désir, à la liberté et à la vie.

Le ton du film, tout en violence retenue, émerge dès qu’Anna débarque de son internat dans le village familial, pour y passer les vacances et également pour y faire sa confirmation : une pluie battante, une grande maison un peu décrépite, une famille éclatée.

Elle apprend brutalement que son père a pris le large, laissant sa mère effondrée en proie à un fondamentalisme qu’elle cible sur le père François, jeune et beau curé de la paroisse. Elle retrouve son grand-père, en résistance, mécréant cerné de toutes parts, retranché dans son passé, nostalgique d’un libertinage qui, en même temps que la vie, est en train de lui échapper : intra-muros, il est, avec ses 45 tours de chansons grivoises et anticléricales de la Grande Guerre ou de chansonniers des années soixante (on aperçoit L’Autocirculation de Henri Tisot), le refuge d’Anna face aux bondieuseries ambiantes et à la dépression de Jeanne.

Extra-muros, quand d’une atmosphère de sombre huis-clos elle s’échappe vers la lumière de l’été et de la campagne, elle est très attirée par le petit Pierre (très jolie prestation de Youen Leboulanger-Gourvil) et les promesses de liberté que distillent sa simple présence et sa disponibilité face à l’éducation amoureuse. Entre les deux propositions qui s’affrontent confusément, le doute s’installe, matérialisé chez Anna par d’insolites évanouissements. Un état qu’expérimente chaque adulte qui gravite autour d’elle : Jeanne affronte la séparation, Jean la mort, François le doute. Trois personnages qui procurent à Lio, Michel Galabru et Stefani Cassetti trois rôles à contre-emploi parfaitement maîtrisés, satellites d’une Clara Augarde au charme indéfinissable et énigmatique dans celui d’Anna, en quête de sacré tout autant que d’amour.

La réalisatrice lui offre ses plus belles scènes en présence de son grand-père Jean, pour la complicité grivoise et assumée, et de son petit ami Pierre, pour la complicité tendre et maladroite.

À ces ados embrigadés qui semblent entrer en confirmation comme on irait à l’abattoir, à cet évêque suintant son discours archaïque sur les périls de la chair face à la suprématie de l’esprit, Anna, entre larmes et rires, répondra par une prière blasphématoire à sa façon.


Marie-Jo Astic


1h32 - France - Scénario : Katel QUILLEVERE, Mariette DESERT - Interprétation : Clara AUGARDE, LIO, Michel GALABRU, Thierry NEUVIC, Stefano CASSETTI.

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