Lost Persons Area
de Caroline Strubbe
Semaine internationale de la critique
Prix SACD Semaine internationale de la critique


Sortie en salle : 25 août 2010





Un caillou, un stylo, une coquille d’œuf, un mégot, un bouton, un crâne d’oiseau… Tant de choses que la petite Tessa récolte alors qu’elle devrait être à l’école. Mais chaque matin c’est pareil, sa mère ne prête pas assez attention à elle pour qu’elle arrive à destination.

Dans son premier long métrage, Caroline Strubbe peint le tableau émouvant d’une famille désorientée et isolée du monde. Le titre Lost Persons Area suffirait presque à définir le film. Les grands espaces déserts perdent les quatre personnages dans l’infinité de leur solitude et de leur peur du rejet. Marcus n’a pas assez de qualifications, Bettina est terrifiée à l’idée d’être jugée mauvaise mère, Tessa tente de compenser le manque d’attention de ses parents en se créant un univers où tout objet doit être rangé, et Szabolcs le nouveau collaborateur de Marcus est un travailleur immigré qui a encore du mal à trouver sa place.
Ils sont instables et c’est par un flottement perpétuel de l’image, dû à la caméra portée à l’épaule, que la réalisatrice a choisi de les montrer. Les plans sont le plus souvent très rapprochés et plongent le spectateur dans l’intimité de ces personnages. On irait presque jusqu’à ressentir leurs peines et à anticiper leurs réactions.
Toutefois, le rythme du film est plus ou moins comparable à ses décors plats et linéaires, et peut parfois traîner en longueur. Mais ceci n’altère pas l’émotion que réussissent à transmettre les acteurs par leur jeu.
On comprend les ressorts affectifs et émotionnels des membres de la famille par leurs rengaines et leurs paroles. « Je frappe, je lui tords le cou et je pars », voilà ce que chante la petite fille à longueur de journée. Et la musique renforce leurs ressentis complexes par une série de quelques morceaux de violons très courts qui sont soigneusement choisis. Elle ne correspond pas aux sentiments véhiculés par les personnages, pour que le spectateur n’ait pas le temps de s’apitoyer.

La réalisatrice Caroline Strubbe dépeint dans son film des personnages totalement esseulés et perdus. Leur bungalow planté au milieu de nulle part devient alors véritablement un Lost Persons Area.

Laura Desèbe et Céline Krawczyk, Lycée
Louis Armand de Chambéry

« Sorte de vide qui se fait sentir à l’âme privée d’action ou d’intérêt aux choses. » C’est ainsi que le Littré définit l’impression ressentie lors du visionnage de ces vingt-quatre images par seconde qui forment l’ensemble qui se nomme Lost Persons Area.

Rarement, la façon d’aborder le sentiment d’affection d’un sexe pour l’autre a été d’un intérêt aussi platonique que celui de Caroline Strubbe. L’ouverture du long-métrage expose d’une façon voyeuriste les ébats amoureux d’un jeune couple, qui constituent approximativement l’unique action digne d’intérêt. Le contenu inexistant d’un scénario somnifère semble aussi vide de sens aux yeux du spectateur que l’environnement désert, qui s’accorde parfaitement au thème de cette rude épreuve cinématographique, choisi pour encadrer l’intrigue. La réalisatrice poursuit dans cette voie la mise en relief de la sexualité humaine en faisant défiler sous nos yeux les actes pervers d’un ouvrier hongrois avec une péripatéticienne locale.

Certainement, la présence superflue d’une quantité exubérante de métaphores et de symboles donne à ce film un souffle d’intelligence… aux yeux de Caroline Strubbe, mais guère à ceux du commun des mortels. Un robinet qui coule, comme la vie ininterrompue. Un pylône en tant que symbole phallique et les boîtes d’allumettes qui représentent les multiples facettes d’une vie, loin d’être palpitante, dans un récit à tiroirs.
Imaginez les choix de la vie comme le choix auquel vous êtes confrontés en ouvrant une boîte de chocolats : Lost Persons Area est sans aucun doute le praliné à la liqueur.

Marie Kolbenstetter
Philippe Meistermann

Lycée Bartholdi de Colmar.

Petite tartine et confiture « Bonne Maman » : «Même la pire des mères est une bonne mère»...
C'est un des thèmes filmés par Caroline Strubbe, qui nous montre l'album photo d'une famille dont les membres sont isolés les uns des autres par des problèmes de communication.
Affection, bonheur, relation stable, c'est ce que recherche chacun de ces personnages, poussé par les difficultés d'expression et de langage.
Les différents thèmes, qu'on pourrait assimiler à des photos, se trouvent être un mélange d'histoires personnelles et d'analyses inconscientes. Selon le spectateur, le film peut se transformer en un catalogue de symboliques. On peut parfois risquer se perdre ou se demander quelle est la direction du film, ce qui empêche de se laisser totalement immerger dans cette atmosphère.
Cet album nous montre des membres d'une même famille : un père et une mère, Bettina et Marcus, couple uni surtout lié par le désir physique ; une petite fille, Tessa, déroutante, qui cherche ses repères et qui s'exprime en ramassant et en accumulant des objets hétéroclites (cadavres d'oiseaux, pop corn, crayons...), un ouvrier, Szabolcs, futur ingénieur et collègue du père , qui se retrouve presque par hasard au milieu d'eux.
La caméra, toujours portée à l'épaule, donne une authenticité à l'image, à l'histoire et aux personnages. Beaucoup d'émotions sont ressenties au travers de ces images.
On peut choisir de réflechir au film ou de se laisser simplement porter.
Arriverez-vous à vous échapper de cette Lost persons area?

Jean-Robert Nemi et Hana Cherrat, Lycée Marcelin Berthelot de Pantin

« Crayons pointus, crayons méchants » ; crayons volés, rangés, dérangés sont tour à tour rassemblés par Tessa, une petite fille de neuf ans. Avec ces pièces de puzzle, elle se façonne son propre monde. Sa voix grave et caverneuse, sujet de moquerie pour ses camarades de classe, l’ont poussée à éviter l’école. Une route, un bus, un champ de pylône où travaille son père, elle erre à la recherche d’ordre dans une vie bancale. Des boîtes d’allumettes s’ouvrent et se referment tels des tiroirs posant de nouvelles questions : « C’est quoi normal ? Qui va déterminer ça ? ». On cherche des réponses, mais on n’en trouve pas. À quel point l’arrivée de Szabolcs, un travailleur hongrois, suivie d’un tragique accident vont-ils perturber la vie de cette famille aimante ? On ne comprend pas tout, mais on se laisse transporter dans cette atmosphère vibrante. Des messages passent. On se sent triste quand Tessa s’accroche à son père qui ne peut plus la soutenir, joyeux quand elle se joint à la fête, révulsé quand les travailleurs rient d’elle, pensif quand Bettina explique que « même la pire des mères est une bonne maman ».
L’esthétique du film est sublime. Des petits totems de Tessa aux grands pylônes, la vie est présentée de haut en bas, par des plans magnifiés par le cinémascope. On se sent libre, on est là, présent. Ce sentiment est renforcé par le jeu organique de la caméra, qui suit les personnages à mesure qu’ils évoluent. L’espace d’un instant, on est malmené et oppressé, puis on s’habitue au rythme du film. Les acteurs, dirigés par Caroline Strubbe, effectuent un travail remarquable. D’une façon simple et vraie, ils nous rendent tristes et joyeux à la fois. Même sans paroles, ils parviennent à communiquer : les différentes nationalités, tout autant que le mutisme de la fillette, ne sont pas des obstacles.
Si vous appréciez les analyses profondes et les explications rationnelles, vous serez déçus. En revanche, si vous aimez vous laisser transporter, allez voir ce film. Il est doux et mystérieux, nous laisse une grande part d’imagination, et s’achève sur une fin ouverte. Un robinet fermé s’ouvre. Une voiture démarre. On repense aux chuchotements de Tessa : « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir »

Inès L’Hénoret et Olga Benne, Lycée Paul Valéry de Sète


 

 


1h49 - Belgique - Scénario : Caroline STRUBBE - Interprétation : Lisbeth GRUWEZ, Sam LOUWYCK, Kimke DESART, Zoltán Miklós HADJU, Rik VAN UFFELEN.

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