Les Herbes folles |
Same old song De Hiroshima mon amour à ces Herbes Folles, un tel fossé se présente que seuls les inconditionnels de la politique des auteurs croiront (ou voudront nous faire croire) à la persistance d'un style propre à Alain Resnais. Le début du récit était pourtant prometteur. Une voix off complice commente d'élégants mouvements de caméra suivant Marguerite (Sabine Azéma) dans les couloirs d'une galerie marchande de luxe. Elle se fait voler son sac que Georges (André Dussollier, forcément) ramasse et dépose au commissariat. Loving or not loving ? Le jeu des hasards et des coïncidences peut sembler se présenter comme un subtil jeu de pistes, à l'instar des deux films jumeaux de 1993 (Smoking, No smoking) qui avaient su si bien exploiter cette veine. Le caractère obsessionnel de Georges et les hésitations sentimentales de Marguerite font écho à Mélo (1986), adaptation de Bernstein dans laquelle l'auteur passait de la légèreté au drame. Et l'ombre de la mort et du crépuscule, abordés dans Providence et L'Amour à mort, est reprise ici dans un dénouement étonnant qui prend le public à rebrousse-poil. Et pourtant, Les Herbes folles n'est même pas un « grand film malade », pour reprendre l'expression de Truffaut : c'est une œuvre mineure manquée, semblable aux ratages des derniers Renoir (Le Testament du docteur Cordelier), Clair (Les Fêtes galantes) ou Chabrol (Bellamy).
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Si Resnais est un metteur en images fantastique, il n'a jamais été meilleur que lorsqu'il a collaboré avec des scénaristes inspirés, tels Marguerite Duras, Jorge Semprun, sans oublier Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri dont la verve des dialogues n'était pas pour rien dans la réussite de On connaît la chanson (1997). Certes, un ouvrage littéraire moyen peut aboutir à un film magistral (c'était le cas de Mélo). Mais ici, le matériau littéraire est de trop piètre qualité, au même titre que la pièce de théâtre dont Cœurs (2006) était l'adaptation. Seulement, dans cet avant-dernier opus, le montage de Hervé de Luze et la photo d'Eric Gautier créaient malgré tout une certaine sensation de virtuosité et de maîtrise. Ici, on attend en vain la flamme (ou à défaut l'étincelle) qui permettrait au film de décoller. On sait par ailleurs que l'humour n'est pas ce que Resnais réussit le mieux, à moins de recourir à un second degré distancié (l'opérette Pas sur la bouche, 2003). Ici , le non-marivaudage tourne aussi à vide que le burlesque des séquences contemporaines de La Vie est un roman (1983) ou la fantaisie de I want to go home (1989). Gérard Crespo
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1h36 - France - Scénario : Laurent HERBIET, Christian GAILLY, d'après le roman de Christian GAILLY - Interprétation : André DUSSOLLIER, Sabine AZEMA, Emmanuelle DEVOS, Anne CONSIGNY, Mathieu AMALRIC. |