C'est dur d'être aimé par des cons
It's Hard Being Loved by Jerks
de Daniel Leconte
Sélection officielle
Hors compétition

palme
Sortie en salle : 17 septembre 2008



C'est dur d'être aimé par des cons est un film double; d'un côté il est nécessaire, c'est un vrai film de société qui n'est pas tant à voir pour son caractère informatif assez léger que pour l'urgence de son propos, l'importance fondamentale du droit à la liberté d'expression. Édifiant, et largement rangé du côté de Charlie Hebdo, ce documentaire passionnant, construit comme un thriller bureaucratique mêlant héros, témoins et procureurs, comme un long film de procès, monté comme une épopée dissertante à l'américaine, pointe du doigt la terreur qui régit le monde, le fanatisme incontrôlable qui enrôle les masses, la manière dont les intégristes pervertissent une culture, une religion, un texte sacré. Certes il manque peut-être quelques clés du côté du journal pour pouvoir vraiment embarquer le spectateur sur un champ égal, et c'est aussi l'incontestable facilité du parti pris, mais l'indiscutable conscience morale du film, souvent absurde pour accentuer ce que les mots n'ont même plus la puissance de dénoncer, sa véritable importance au sein d'un rappel des droits humains en font un objet palpitant et à ne pas rater. Pourtant, là où le film, et même s'il a mille fois raisons, joue un double rôle, c'est dans le coup de pub évident qu'il offre à la rédaction - et qui n'en a pas besoin - . La défense du magazine, que l'on adhère ou pas à la raison du cinéaste, devient rapidement l'affichage du rédacteur en chef devenu intouchable grâce à la réussite du procès et l'image sacrée que Daniel Leconte en donne, ainsi que tous les employés du journal. Pire encore, l'autosatisfaction critique de Charlie Hebdo :

<< On est mal placés pour parler des acteurs puisque c'est nous. Mais on a trouvé le film génial, palpitant, et on a envie que tout le monde se précipite pour le voir. >>

Là, que le film l'ait voulu ou pas, l'histoire devient insensée ; les propres comédiens commencent à vanter leurs idées et l'efficacité de leur beau-parler.


C'est dur d'être aimé par des cons, tout d'un coup, perd beaucoup de mérite. La phrase de Charlie Hebdo résume bien le doute qui s'affiche quant à l'indépendance idéologique du film. Le documentaire s'affranchit alors du vrai et du faux en les mêlant en dehors de sa propre construction. Que devient la barrière entre la réalité et la réalité polissée? Car si le film contente les esprits en se servant de manigances obscures, il est discutable. Mais son importance réside donc plus, au final, en ce qu'il s'accroche à rappeler ; qu'il existe un fossé culturel, une perversion religieuse, un obscurantisme et une utilisation de la terreur en tant que manipulation. C'est dur d'être aimé par des cons est souvent artificiel en ce qu'il s'arrange et prend des virages dans le montage pour arriver à ses fins. Oui il existe car Charlie Hebdo et son beau monde est derrière. Oui c'est une oeuvre secrètement médiatisée et propulsée en avant, mais défendre la liberté d'expression, ce qui revient à corriger toutes les hésitations que l'on peut reconnaître au film, est une réalité oubliée et d'autant plus nécessaire, qui reflète les nombreuses thématiques resserrées qui s'invitent dans le film. Alors que tout cela soit opportuniste, errant entre les murs d'une cour d'assise et d'un salon de rédaction, peu importe au fond puisque l'intégralité des faits et des mots répond à l'unique besoin de société dont l'essentiel serait la liberté orale, les non-limites de la langue, de l'argument, de la moquerie, de la réflexion, de la liberté d'une expression quelconque, dite ou écrite, dessinée ou symbolisée.

EN DEUX MOTS : Percutant et essentiel pour comprendre les rouages médiatiques et la folie du fanatisme islamiste en Europe, ce documentaire aux échos publicitaires douteux a la pertinence néanmoins exemplaire de se fonder sur un parti pris solidement défendu, et dont la mise en place résonne comme un thriller tendu et irrespirable. Et drôle.

PHRASE DU FILM :
"Scream vu par des idiots, ça pose problème. Pour les caricatures c'est pareil."

Jean-Baptiste Doulcet


1h58 - France - Scénario et dialogues : - - Photo : Xavier LIBERMAN, Thomas RISCH, David QUESEMAND - Décors : - - Musique : Cyril DE TURCKHEIM - Montage : Laurent ABELLARD, Grégoire CHEVALIER-NAUD - Son : Jean HOLTZMANN - Voix : Daniel LECONTE.

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