« J’ai su, quand nous nous sommes rencontrés, que
nous étions du même côté du monde »
1989. A Pékin, le Palais d’été est tout proche
de l’université. C’est là que Yu Hong commence
ses études, après avoir quitté Tumen, une petite
ville du nord ainsi que son petit ami, avec lequel elle s’est entraînée à de
chaotiques brouillons des baisers et autres expériences sexuelles
qu’elle va perfectionner dans sa nouvelle vie estudiantine.
Yu Hong, personnage clé de Summer palace, autour duquel
les autres protagonistes gravitent comme des satellites, fait partie
de cette génération Tien An Men, symbolique de la période
charnière entre la Chine de Mao et l’explosion économique
que le pays connaît aujourd’hui, période dite d’ouverture
au monde. Et bien sûr, âge d’ouverture à l’amour
de Yu Hong qui jette son dévolu sur le beau Zhou Wei, un garçon
en qui elle se reconnaît.
C’est un univers tout en contrastes que dépeint la caméra
très mobile de Lou Ye : instants de pure fraîcheur
au cœur des murs tristes et décatis de l’université,
cohabitation de personnages aux tendances diverses, tantôt plus
ancrés dans la post révolution culturelle, tantôt
dans l’occidentalisation, ambiguïté de Yu Hong, dont
l’évidente prédisposition à l’amour
en sera le premier prédateur, rupture de ton totale entre l’avant
et l’après Tien An Men, instants où les désirs
avortent au moment même où ils deviennent réalité,
romantisme hérité d’une illusoire sensation de liberté.
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A l’instar de cette révolution étouffée dans
l’œuf qui a pourtant jeté en Chine les bases
d’un processus irréversible d’indépendance
et de liberté.
Yu Hong elle non plus ne reviendra pas sur son passé, ne serait-ce
que géographiquement. Partie d’un nord symbolisant
l’obscurantisme, elle ira donc à Pékin, puis Wuhan,
puis plus au sud encore, suivant ainsi le sens de développement
de la Chine, dans sa quête toujours plus grande – et peut-être
plus vaine – de liberté.
Ce perpétuel
parallèle entre situation politique du pays et personnage finit
d’ailleurs par donner une certaine lourdeur aux très bonnes
intentions de ce film, qui, du printemps de Pékin à l’automne
de Berlin, s’avère truffé de métaphores
et d’une symbolique assez pesante, tendant à imposer les
tourments émotionnels comme plus difficiles à apaiser que
les soubresauts du monde.
On déplore aussi le choix du réalisateur d’avoir
voulu poursuivre au-delà du point culminant de l’histoire
du film et de l’Histoire, qui finalement et malgré les moyens
déployés peinent à s’imbriquer, risquant une
certaine longueur qui aurait pu être évitée.
Marie-Jo Astic |