Après le coup d’éclat de sa trilogie Un couple épatant
/ Cavale / Après la vie (2003), nous attendions avec impatience
le dernier opus de l'acteur réalisateur Lucas Belvaux.
L’exercice de style fulgurant que constituait la juxtaposition
de trois histoires mêlant les mêmes personnages dans une
unité de temps mais avec trois genres différents laisse
ici place à une œuvre en apparence plus modeste mais d’une
réelle cohérence stylistique.
D’Après la vie, nous retrouvons l’idée
d’un couple en crise (ici Natacha Régnier et Eric Caravaca), humilié jusque dans les cadeaux de la parenté et qui
cherche un second souffle dans la quête d’une existence matérielle
plus confortable. À Cavale, Belvaux emprunte le style
policier et la figure d’un dangereux criminel interprété par
lui-même. Aucun élément de comédie n’évoque
par contre Un couple épatant et l'on ne trouvera nulle échappée
vers l’humour ou le mot d’auteur si cher à un certain
cinéma français.
"La Raison du plus faible est un film noir. Et le film noir,
c'est un peu un cinéma de contrebande : on fait semblant de tourner
un film policier, mais derrière cet aspect, on raconte des choses sur
le monde dans lequel on vit".
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Cette déclaration de l’auteur rappellent
quelques-uns des polars clefs hollywoodiens sous la Grande Dépression
(on songe à Mervyn LeRoy ou William A. Wellman).
Ici, Belvaux a planté sa caméra dans la banlieue de Liège
et peint une communauté d’être meurtris uniquement
soudés par le lien amical. Ce n’est pas tant la description
d’un casse minable qui importe mais le sentiment de fatalité qui
semble faire avancer inexorablement l’action et le dénouement.
D’aucuns déploreront le misérabilisme ambiant et
la démarche un peu démonstrative qui empêchent sans
doute l’œuvre d’atteindre la plénitude des portraits
de Ken Loach ou des frères Dardenne. Mais ce serait faire un procès
d’intention à Belvaux qui préfère distiller
sa petite musique et son ton plus tranchant, fait de violence contenue
et de simplicité trompeuse. Il faut aussi souligner le casting
de qualité qui élargit la troupe du réalisateur,
et en particulier Claude Semal dans le rôle d’un ancien ouvrier
déterminer à venger l’honneur de sa classe.
Gérard Crespo |