« Faut être
vieux pour être riche »
Inspiré d’un fait divers survenu dans les années 70,
mais transposé à l’époque actuelle, Meurtrières reprend
un projet non abouti de Maurice Pialat. L’histoire de deux
filles jeunes, jolies, que l’on pourrait qualifier de normales, quoiqu’un
peu fragiles, et qui, à force de buter contre des portes fermées
et de ne pouvoir avancer, vont aller trop loin.
Nina, déjà orpheline de sa mère, sait avoir une part
de responsabilité dans la mort récente de son père
d’une crise cardiaque ; Nina pleure souvent. Lizzy, cyclothymique,
traînant son mal de vivre, est une fois de plus admise en hôpital
psychiatrique. C’est là que les deux gamines se rencontrent
et que très vite elles se reconnaissent comme étant sur la
même longueur d’onde, qui n’est pas forcément
celle du monde des adultes.
Après
avoir fait le mur de l’hôpital, elles partent. Où ?
Entre La Rochelle et l’île de Ré, puisqu’elles
sont dans le coin. Comment ? Peu importe, le tout est d’être
libre et de faire ce qu’on veut. Lizzy entraîne Nina, plus
passive, qui pourtant attend que quelque chose arrive. Un peu naïves,
elles veulent juste vivre normalement, voire être heureuses, mais
il leur manque les codes.
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Elles
ne savent pas encore qu’on
n’a rien sans rien, même une douche, même un sandwich,
surtout pas une course en taxi, et le savent si peu qu’elles
se permettent même quelques provocations superflues. Mi-anges,
mi-démons, elles se mettent à nu avant de se rétracter
aussitôt. Pour des riens, les échecs s’accumulent
au même rythme que la violence qui monte en elles. On aurait
tendance à dire qu’elles cherchent les ennuis, alors qu’elles
essaient juste de jouer au jeu qui consiste à sortir de l’enfance.
Un jeu où elles sont des proies faciles.
Pourtant, ce jour-là le fait ne fut pas si divers que ça, puisque
pour une fois les rôles de bourreau et de victime se sont inversés.
Avec Meurtrières, Patrick Grandperret réalise une œuvre où souffle
un réel vent de liberté et où plane une menace permanente,
un Thelma et Louise, moins démonstratif et spectaculaire, mais qui marie
subtilement la douceur et la violence de l’adolescence. Il révèle
aussi deux excellentes comédiennes : Hande Kodja et Céline Sallette.
Marie-Jo Astic |