Marie-Antoinette
Sofia Coppola
Sélection officielle
Prix Education nationale


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Et si Marie-Antoinette était le grand malentendu du festival ? A priori, les amateurs de films historiques et politiques n’y trouveront pas leur compte. Ni fresque crépusculaire à la  Ludwig, ni biographie fidèle comme Le Dernier empereur, l’œuvre déconcertera ceux qui n’y verront que superficialité et décors tocs, nappés dans le caprice d’une grande fille gâtée faisant parler anglais la cour de France. Mais chez Racine, les Romains et les Grecs ne déclamaient-ils pas un français versifié ?
L’œuvre décevra aussi les fans de grandes destinées tragiques : Marie-Antoinette n’a pas le côté rassurant d’une Camille Claudel et la belle Kirsten Dunst n’a rien d’une bête de l’Actor’s Studio. Et le public du samedi soir s’attendant à un remake de Sissi risque d’être pétrifié face à un  minimalisme de dialogues et de tension dramatique. Et le film n’a t-il pas l’audace de s’arrêter au départ de la famille royale, faisant par la même l’impasse sur un festival de têtes tranchées que même  Wajda dans Danton avait jugé incontournable ?
Restent les fans de Sofia Coppola : après Virgin Suicides, songerie autour de l’autodestruction d’adolescentes, et Lost Translation, romance branchée élégante mais un brin mode, ils risquent d’être désarçonnés face à cette “gigantesque pâtisserie”, pour citer l’inoubliable Max Favalelli blasphémant Lola Montès en 1955.


Alors, Marie-Antoinette, film sans public car décevant  tous ses publics ? Ou œuvre de génie dans une logique de “politique des auteurs” ?
Nous nous situerons dans une vision médiane. Ce n’est certes pas le chef-d’œuvre maudit que certains voudraient nous faire avaler, ni le navet estampillé film d’auteur (Ali Baba et les 40 voleurs n’est pas un film de Becker, quoi qu’on ait dit à l’époque). C’est un petit film (certes à gros budget) modeste et assez fin sur l’ennui et les désillusions d’une jeune femme mal à l’aise dans un univers étriqué. On appréciera les ellipses narratives, l’humour des anachronismes (un bal masqué devenu une soirée  techno, une paire de Converse, une coiffure très “années 90”), et le jeu tout en retenue des comédiens. Loin d’étouffer le film, les costumes raffinés et les décors somptueux lui confèrent une grâce certaine qui n’est pas sans rappeler l’univers “superficiellement superficiel” de Madame de… et autres drames ophulsiens. Reste que par rapport au tintamarre médiatique, la montagne semble avoir accoucher d’une (jolie) souris et que Sofia Coppola devra prouver avec son prochain film qu’elle est plus qu’une cinéaste en vogue.

Gérard Crespo


2h03 - USA - Scénario, dialogues : Sofia Coppola - Photo : Lance Acord, ACE - Décors : KK Barrett - Musique : Brian Reitzell - Montage : Sarah Flack - Son ; Richard Beggs - Interprétation : Kirsten Dunst, Jason Schwartzman, Judy Davis, Rip Torn, Asia Argento, Rose Byrne, Aurore Clément.

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