Machuca est
la reconstitution d'une chronique de la vie de Santiago, pendant
les dernières semaines du régime du président Allende.
L'inspiration
autobiographique du projet ne fait pas de doute puisque le cinéaste,
qui avait huit ans en 1973, a puisé dans ses souvenirs la source du
scénario.
Gonzalo Infante et Pedro Machuca sont deux collégiens qui nouent une
amitié dans une institution catholique réputée. Le premier est un fils
de la bourgeoisie locale, élevé dans les beaux quartiers par une mère
oisive et volage et par un père gauche caviar indulgent. Le second
vit dans un bidonville et a intégré l'école grâce à une politique éducative
de brassage des milieux sociaux encouragée par le gouvernement et appliquée à la
lettre par un prêtre humaniste.
Cette
promiscuité sociale
et ethnique, qui reposait sur un postulat optimiste, suscite la méfiance
de la bonne société bornée dans ses certitudes idéologiques. Ce contexte
historique est traité avec finesse et nuance, même si certains personnages
sont typés, tels le fiancé fascisant de la sœur de Gonzalo ou
les parents d'élèves réactionnaires plus férus de bondieuserie que
d'égalité des chances.
|
L'amitié entre
le riche et le pauvre est filmée sans sensiblerie et donne droit à des
séquences réussies : l'embarras du petit bourgeois dans les toilettes du bidonville,
la bienveillance de sa mère découvrant le petit Machuca dans la chambre de son
fils et l'acceptant sans problème en dépit de ses préjugés sociaux ou encore
les gamins passant d'une manif anti-Allende à une autre de ses partisans pour
vendre des drapeaux.
Comme l'iceberg de Titanic, Pinochet et ses sbires font sombrer tout
ce petit monde mais ici, seules les masses trinqueront. Gonzalo échappe de justesse à une
razzia militaire grâce à ses vêtements chics, quand Machuca voit sa sœur
assassinée par un sous-officier.
Œuvre délicate qui réussit à concilier étude de mœurs intimiste et
témoignage historique, Machuca est le troisième long métrage de Andrés
Wood, qui signe un beau portrait d'enfants, dans la lignée de Louis Malle (Au
revoir les enfants) et Comencini. On attend avec intérêt la suite de la
filmographie de ce cinéaste classique sans être académique.
Gérard Crespo
|