Drifters
Er di
Wang Xiaoshuai
Sélection Officielle
Un Certain Regard

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Un “drifter”, c'est au sens propre du terme un bateau de pêche à filets traînants et au sens figuré une personne qui se laisse aller. On ne pouvait choisir meilleur titre (traduit en français par La Dérive), puisque le film aborde les deux aspects de la définition. Ici, dans une petite ville portuaire chinoise, le bateau attire dans les mailles de ses filets les candidats à l'émigration vers l'Amérique, un rêve qui fonctionne plus que jamais malgré l'extrême péril et les minces chances de réussite dont chacun est conscient. Un accident vient d'ailleurs d'avoir lieu, la totalité des passagers ayant été étouffée par l'émanation de gaz toxiques. Quant à Hong, il bénéficie d'une certaine notoriété pour être parvenu à s'exiler il y a quelques années, mais aussi pour en être revenu avec une histoire particulière : là-bas, il a eu un enfant avec la fille de ses patrons, originaires du même village que lui, patrons qui l'ont sympathiquement dénoncé aux autorités américaines et qui lui interdisent à présent de voir son fils, rapatrié au village par le grand-père.
Hong a tendance à traîner le vide de son existence et s'enferme dans un tel mutisme qu'il est difficile de connaître ses réels sentiments par rapport à cet enfant et à quoi que ce soit d'ailleurs. En revanche, son frère aîné et sa belle-sœur, qui ne parviennent pas à procréer, s'entêtent à vouloir récupérer une descendance et poussent Hong à prendre ses intérêts familiaux en main.

Intrusion chez la famille d'accueil de l'enfant, enlèvement, intervention des autorités policières occasionnent des scènes de vaine agitation qui contrastent d'autant plus avec l'apathie dont Hong ne semble pas pouvoir se délivrer. Finalement, il va sans doute rejoindre Canton, d'où il essaiera de retenter l'aventure de l'exil.
Avec Drifters Wang Xiaoshuai nous propose une nouvelle incursion dans la Chine d'en bas. Comme dans So close to paradise, présenté dans la même sélection en 1998, on sent qu'il a dû composer avec la censure chinoise : hier le discours politiquement correct devait dénoncer les vicissitudes de la prostitution, aujourd'hui il clame les dangers de l'émigration. Il est vrai que le problème tourne à l'obsession et se pose aujourd'hui comme un réel phénomène social dans les régions les plus pauvres de la Chine : seul le départ d'un membre de la famille pour gagner de l'argent à l'étranger permettra de troquer sa condition paysanne contre un nouveau statut, vecteur de prestige et de respect. C'est cette immersion dans un monde qui nous est inconnu qui fait la valeur de Drifters, insuffisante cependant à empêcher le film de distiller une coquette dose d'ennui.

Marie-Jo Astic


2h - Chine - Scénario et dialogues : Wang Xiaoshuai - Images : Wu Di - Décors : Liu Jie - Musique : Wang Fend - Montage : Liao Ching-Song - Interprétation : Duan Long, Shu Yan, Zhao Yiwei, Tang Yang.

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