Le Fils
The Son
Luc Dardenne
Jean-Pierre Dardenne

Sélection Officielle
Prix d'interprétation masculine pour Olivier Gourmet
Mention spéciale du jury œcuménique
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Les frères Dardenne on bâti en seulement quatre longs métrages l'une des filmographies les plus passionnantes du cinéma contemporain. Entre les deux palmes d'or, Rosetta (1999), et L'Enfant (2005), Le Fils s'inscrit dans la même veine de ce cinéma intimiste et universel, psychologique et social sans verser dans la démonstration psychosociologique.
Le thème du rapport filial fait écho à La Promesse (1996), qui révéla les cinéastes. Olivier Gourmet, qui incarnait ce patron cynique mais père aimant dénoncé par son propre enfant, est ici formateur en menuiserie. Après hésitation, il décide de prendre en charge Francis (Morgan Marinne), adolescent sortant de prison. Il reconnaît en lui l'assassin de son propre fils. Une tension dans le récit (quelles sont les motivations d'Olivier ? Va-t-il assouvir une vengeance?) contraste avec la sérénité des séquences d'initiation professionnelle, tournées dans le style documentaire propre à Rosetta : dans ce film, Gourmet lui-même jouait le rôle du marchand de crèpes qui par instants considérait le personnage d'Emilie Dequenne comme sa propre fille. Et si la filiation ou son substitut permettaient de sauver l'homme de sa médiocrité intrinsèque et de son individualisme ? C'est ce que montreront les Dardenne dans L'Enfant qui verra la rédemption de Jérémie Renier après un haletant parcours de rachat intérieur. Dans Le Fils, les sentiments contradictoires du menuisier le conduisent à passer de la haine à l'amour, de la malveillance à la protection. Libre ensuite au spectateur d'y voir une interprétation évangélique sur le pardon et le rachat.

Là ne semble pas a priori l'intention explicite des réalisateurs, qui préfèrent miser sur le non-dit (dialogues minimalistes) et l'ellipse. Ici, point de flash-back explicatif à la manière de La Mariée était en noir ou de compassion lyrique tendance Strada. L'épure stylistique de ce Fils lui donne plutôt des accents bressonniens que l'on retrouvera en 2006 dans le film tchadien Daratt, brodé sur le même canevas.
Dans Le Fils, la caméra suit les personnages au plus près, comme un témoin de leurs tracas, procédé déjà utilisé dans Rosetta. Collée au dos, à la nuque, elle accompagne l'action, à l'instar d'un projecteur sur une scène de théâtre, mais elle s'avère être la protagoniste même de certaines séquences (la clef du studio dérobée dans l'appartement, la fuite finale dans la scierie). Tel le dernier plan de Rosetta qui voyait l'héroïne accepter la main tendue par celui qui l'avait trahie, l'aide de Francis donnant un coup de main au chargement de bois est filmée avec retenue, et suggère sans emphase le lien possible entre les deux hommes.
Le jeu d'Olivier Gourmet, remarquable dans la peau de ce père dont la carapace camoufle mal le trouble qui l'habite, n'est pas pour rien dans la perfection de l'œuvre. Le prix d'interprétation qu'il a amplement mérité à Cannes ne doit pas cependant occulter les qualités de la mise en scène.

Gérard Crespo


1h43 - Belgique - Scénario et dialogues : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne - Images : Alain Marcoen - Montage : Marie-Hélène Dozo - Décors : Igor Gabriel - Interprètes : Olivier Gourmet (Olivier), Morgan Marinne (Francis), Isabella Soupart (Magali).

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