On notera d'ailleurs que les comédiens sont aussi chanteurs et danseurs, à l'instar des Astaire et Kelly. Le cinéma français, à titre comparatif, n'a pas intériorisé le genre musical, en dépit des grandes réussites de Demy (mais les acteurs y étaient doublés pour les chants, à l'exception d'une Darrieux ou d'un Montand.) Et ce ne sont pas les récentes et poussives Chansons d'amour (2007) qui risqueront la comparaison avec Bollywood.
Mais revenons à Devdas. En dépit de sa réussite artistique et technique, force est de reconnaître que certains codes sont trop spécifiques à la culture indienne pour être assimilés par le spectateur occidental. Et s'il ne s'agit pas de mépriser Bollywood au nom de Satyajit Ray, convenons qu'une œuvre comme Devdas n'est pas parfaite ; vouer un nouveau culte à ce genre longtemps méjugé chez nous relèverait de la subjectivité : certaines scènes musicales sont d'un kitsch sans appel, le folklore local évoquant moins Bob Fosse que Richard Pottier, filmeur de l'inénarrable Chanteur de Mexico. L'esthique du clip n'est pas absente, les lugubres ombres de Flashdance hantant parfois le montage. En dépit de ces réserves, Devdas est plus qu'un joli film exotique et représente l'archétype d'un cinéma populaire de qualité.

Gérard Crespo