Présentée en 2002 sous le titre La Pleureuse, cette œuvre délicate a peut-être fait verser des larmes à son producteur et son réalisateur, tant ses vicissitudes ont retardé pendant six ans l'exploitation commerciale : interdiction en Chine, perte du négatif, sauvetage à partir de la copie cannoise...
Madame Weng ne nous fait pas verser de larmes. Elle n'est ni Mater Dolorosa à l'instar de Qiu Ju, femme chinoise immortalisée par Zhang Ymou, ni victime explicite de déboires sentimentaux ou de la société chinoise. Cette intrigante arriviste suit un peu le parcours du personnage incarné par Isabelle Huppert dans Une affaire de femmes, sans le côté déviant et glauque. Endettée à la suite de l'arrestation d'un mari violent, elle noue une liaison avec un marchand de produits funéraires qui la persuade de devenir « pleureuse » dans les cérémonies d'enterrement, compte tenu de son goût des vocalises et de son aptitude à feindre la douleur.

Flanquée d'une petite fille encombrante dont elle a la charge, la belle prospère dans son commerce, jusqu'à ce que de vraies larmes ne viennent révéler son désarroi.
Si la première partie évoque, par son ton semi-documentaire, la veine néoréaliste, la critique sociale n'en est que plus mordante et l'on comprend par certains détails de la narration (la corruption des policiers qui confisquent pour leur propre compte les DVD piratés, le directeur de la prison qui se compromet) que la censure chinoise ait fait la fine bouche. Les ruptures de ton de la seconde partie s'avèreront réjouissantes, avec de belles et brèves séquences de fantaisie, comme les funérailles d'un petit chien pékinois.
Malgré la modestie de son budget et de son style narratif et visuel, Les Larmes de Madame Wang reste une autre pépite de la cinématographie chinoise.

Gérard Crespo