Ararat Atom Egoyan Sélection Officielle Hors compétition
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On
pouvait s'attendre à ce qu'un jour, le réalisateur canadien d'origine arménienne
Atom Egoyan s'attaque au génocide de 1915. Il lui a sans doute fallu attendre
d'être suffisamment nourri par l'histoire de son peuple vieille de plus
de 2500 ans, et d'imprégner son abondante filmographie du thème de l'identité
avant de s'engager dans ce projet. Projet qui devait rester personnel tout
en étant, selon les propres dires du cinéaste, un film qui « existe déjà
dans la tête de nombreux Turcs qui réagissent contre, et dans celle de nombreux
Arméniens qui veulent que ce film soit celui qui fera changer l'Histoire.
» Dès Next of skin en 1984, un jeune anglo-canadien faisait son «
roman familial » cher à Freud pour s'immiscer dans une famille arménienne.
Dans Ararat, le passé individuel des personnages se double d'un passé
historique. Les petites histoires de chacun vont s'entrecroiser sous la
chape de la grande Histoire. Il y avait bien danger à faire un film historique amputée de la touche singulière de son auteur. De ce point de vue, le réalisateur d'Exotica a habilement contourné l'obstacle en faisant tourner un film dans le film au personnage d'Edouard Saroyan, interprété par Charles Aznavour (clin |
d'œil
à Tirez sur le pianiste de Truffaut où l'acteur arménien portait
déjà ce nom). Ainsi, les scènes délicates de reconstitutions des massacres
passent-elles mieux… Malgré cela, et malgré un riche découpage qui permet
de relier les parcours d'Ani, travaillant sur le peintre arménien rescapé Arshile Gorky, de Raffi, adolescent qui cherche à percer le destin de son père terroriste, de l'acteur homosexuel Ali qui interprète dans le film de Saroyan un méchant turc, ou de David, un douanier à la veille de sa retraite, confrontant lui aussi son histoire personnelle à l'Histoire d'un peuple, malgré tout cela donc, quelque chose de faux sonne dès les premières images. Et la belle musique de Mychael Danna, fidèle d'Egoyan, n'y est pour rien ! L'écheveau de la narration finit par peser sur une toile déjà lestée d'un didactisme qui court le risque de l'inefficacité. La mise en scène n'a ni la fluidité ni la grâce qui accompagnaient les œuvres pourtant bien complexes d'Exotica ou de De beaux lendemains. On s'en veut même en sortant de la projection, de n'avoir pas été suffisamment affecté, troublé, ou au moins fortement ému par ce qui aurait dû être un film bouleversant. Jean Gouny |
1h55 - Canada - Scénario et dialogues : Atom Egoyan - Images : Paul Sarossy - Musique : Mychael Danna - Montage : Susan Shipton - Décors : Philipp Barker - Interprètes : Charles Aznavour (Edouard Saroyan), Arsinée Khanjian (Ani), Christopher Plummer (David), David Alpay (Raffi), Elias Koteas (Ali/Jevdet Bey), Bruce Grenwood (Martin/Ussher), Marie-Josée Croze (Celia), Eric Bogosian (Rouben), Brent Carver (Philip). |