2001 : L'Odyssée de l'espace
2001 : A Space Odyssey
de Stanley Kubrick
Sélection officielle
Cannes Classics





Le pouvoir du monolithe

C’est peu dire que les superlatifs n’ont pas manqué pour qualifier cette incursion de Stanley Kubrick dans la science-fiction. Accueilli tièdement à sa sortie, le film a progressivement acquis le statut d’œuvre culte figurant dans les classements des meilleures de tous les temps, avec Citizen Kane ou Vertigo. Inspiré d’une nouvelle d’Arthur C. Clarke qui a collaboré à l’adaptation, 2001: L'Odyssée de l'espace frappe par sa narration intrigante, un découpage en quatre segments structurant le récit axé autour des effets d’un monolithe, des premiers temps de la Préhistoire à un monde futuriste. L’aube de l’humanité relate les déboires d’une tribu d’australopithèques en conflit avec un groupe rival pour la possession d’un point d’eau. Des vaisseaux dans l’espace nous transpose en 1999 : le docteur Heywood Floyd, un scientifique américain en mission sur la Lune, enquête sur une forte anomalie magnétique. La mission Jupiter, 18 mois plus tard, narre le quotidien de deux astronautes menacés par HAL 9000, un ordinateur de bord doté d’une intelligence artificielle. Enfin, Jupiter et au-delà de l’infini suit l’astronaute Bowman (Keir Dullea) aspiré par un tunnel coloré et en proie à une expérience spatio-temporelle hallucinante. 2001 était certes dans l’air du temps, sa sortie précédant d’une année la mission spatiale ayant mené aux premiers pas de l’homme sur la Lune. Mais il est avant tout une réflexion métaphysique à multiples niveaux sur l’évolution humaine, le rapport à la technologie et le mystère des origines et du devenir de l’univers. Kubrick y a greffé plusieurs de ses thèmes de prédilection, comme le travail sur l’espace (des étendues désertiques au huis clos des vaisseaux) ou le dysfonctionnement de sociétés codifiées (la panne de l’ordinateur). Comme toujours chez le cinéaste, le travail sur la lumière est essentiel (superbe photo de Geoffrey Unsworth), et Kubrick allie sens du détail et dépouillement formel : les scènes dans l’espace sidéral sont ici souvent sans dialogues, ce qui n’en rend que plus frappants le bruit des appareils à oxygène des cosmonautes ou le gros plan sur le visage perplexe de Bowman.

Et si la parole est rare, la musique est omniprésente, du premier épisode mettant en avant Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss aux séquences spatiales bercées au rythme du Beau Danube bleu… Loin de la débauche d’effets spéciaux inhérente aux actuels blockbusters, le film de Kubrick frappe par son ascèse et son montage audacieux, marqué notamment par la célèbre ellipse qui voit le premier outil de l’humanité se changer en satellite, par un raccord tant brutal que cohérent. Film à la fois épique et expérimental, à grand spectacle et d’avant-garde, 2001 reste un trip narratif et esthétique unique, qui vaut aussi par sa capacité à être interprété de plusieurs façons : « J'ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne l'entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l'inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. J'ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, juste comme la musique », avait déclaré Kubrick. Le dénouement l’atteste : aussi vertigineux que celui de Shining, il a été l’objet de bien des discussions entre cinéphiles. Aucun film de science-fiction n’atteindra la puissance de 2001 : ni ceux de la franchise Star Wars, ni les pourtant excellents Gravity d’Alfonso Cuarón et Interstellar de Christopher Nolan. Ce dernier a été chargé de présenter 2001, projeté dans le cadre de la section Cannes Classics, à l’occasion des cinquante ans de l’œuvre. La copie 70mm a été tirée à partir d’éléments du négatif original. Il s’agit d’une recréation photochimique fidèle qui n’a fait l’objet d’aucune retouche numérique ni modification de montage. Un entracte de quinze minutes a été prévu, conformément à l’expérience vécue par les spectateurs lors de la sortie du film au printemps 1968.

Gérard Crespo



 

 


1968 - 2h21 - États-Unis, Royaume-Uni - Scénario : Arthur C. CLARKE, Stanley KUBRICK, d'après la nouvelle d'Arthur C. Clarke. - Interprétation : Keir DULLEA, Gary LOCKWOOD, William SYLVESTER, Leonard ROSSITER, Margaret TYZACK.

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