Pour le réconfort
de Vincent Macaigne
Acid
Séance spéciale





« L’avenir, c’est la vieillesse »

Pascal et Pauline reviennent sur les terres de leurs parents après des années de voyage, et se retrouvent dans l’impossibilité de payer les traites du domaine. Ils se confrontent à leurs amis d’enfance qui eux, d’origine modeste, n’ont jamais quitté leur campagne. Et à Emmanuel surtout, qui veut racheter leur terrain au meilleur prix pour l’expansion de ses maisons de retraite. Entre les amitiés d’hier et les envies de demain, la guerre aura-t-elle lieu ? Vincent Macaigne s’était jusqu’alors signalé comme l’un des meilleurs acteurs du nouveau cinéma indépendant français, de 2 automnes 3 hivers à Marvin en passant par La Bataille de Solférino et Les Deux amis. La question pouvait se poser à l’annonce de son passage derrière la caméra : s’agissait-il d’un énième caprice narcissique de comédien ou le signe d’une inspiration réelle en tant qu’auteur et réalisateur ? Au vu de la réussite de Pour le réconfort, nous ne saurions pencher que pour la seconde hypothèse. Le film accumule pourtant, a priori, tous les travers d’un certain cinéma d’auteur : une technique hasardeuse, une interprétation semblant amateuriste, un sujet maintes fois rabattu comme ici l’héritage familial (des Dernières vacances de Roger Leenhardt à L’Heure d’été d’Olivier Assayas, notre cinéma en a exploré tous les contours). Et le malaise pouvait s’emparer du spectateur après la première scène, qui voit l’échange via Skype de Pascal et Pauline, vivant respectivement à Mexico et New York, et communiquant autour de propos convenus sur le souvenir du lieu de leur enfance… Très vite, cette sensation de déjà-vu s’évapore, et le film de Vincent Macaigne trouve ses marques : il utilise avec bonheur un format carré, composant des plans audacieux d’une beauté fulgurante (la dispute en contre-jour près d’un lac).

Il ne caresse jamais le spectateur dans le sens du poil et surtout, arrive à brouiller les pistes sur le plan de la psychologie des personnages. Les sympathiques héritiers écologistes et bourgeois bohèmes sont peut-être les tenants d’un mépris de classe, de par leur origine aristocratique, quand les beaufs repliés sur eux-mêmes et d’un manichéisme primaire (qu’ils soient bourgeois ou ouvriers) ne sont pas aussi sectaires et dogmatiques qu’on pourrait le penser. Mais rien n’est moins sûr… « Chacun a ses raisons », professait Jean Renoir : la force du scénario de Vincent Macaigne est de jouer sur les ambiguïtés des protagonistes et de cerner la dualité des personnages. Car au fond, on ne saura jamais si leurs relations révèlent une amitié en porte-à-faux ou une haine en trompe-l’œil, le lien qui unit ces anciens amis d’enfance étant peut-être plus fort que les rapports de classe... ou pas. Vincent Macaigne est également très fort dans sa manière d’insuffler des ruptures de ton, les scènes de comédie décalée (du type L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer) alternant avec des passages hystériques dans la veine des meilleurs Pialat ou Cassavetes, davantage que du pire Zulawski… « Le plus important pour moi était de filmer à hauteur humaine, de ne pas juger. Il n’y a pas de coupable désigné, mais des êtres humains, dans toute leur complexité. Au fond, tout le monde se comporte à un moment ou à un autre comme un connard ou comme un bon samaritain », a déclaré Vincent Macaigne. Son coup d’essai maîtrisé sur une trame pourtant casse-gueule révèle un nouvel auteur et confirme la vitalité du jeune cinéma français

Gérard Crespo



 

 


1h30 - France - Scénario : Vincent MACAIGNE - Interprétation : Emmanuel MATTE, Pascal RÉNÉRIC, Laure CALAMY, Pauline LORILLARD, Joséphine de MEAUX, Laurent PAPOT.

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