Rester vertical
de Alain Guiraudie
Sélection officielle
En compétition








La crainte de l'altérité sauvage

Trois ans après le succès de L’Inconnu du lac, Alain Guiraudie revenait à Cannes pour présenter Rester Vertical, un film d’une radicalité foudroyante tant par son architecture narrative que par son imagerie de la vie. Naissance, sexe et mort sont filmés frontalement, sans tabou de mise en scène et avec un humour grave, semblable à L’Origine du monde auquel un plan fait ouvertement référence dès les premières minutes.

Léo, scénariste en panne d’inspiration et fasciné par le loup, fait une escapade en Lozère dans l’espoir de rencontrer le grand prédateur. Il y rencontre une bergère, Marie, chez qui il emménage et devient père. Léo se retrouve rapidement seul avec le nouveau-né, abandonné par sa femme en dépression post-natale. Parallèlement, nous retrouvons Léo sur une route de campagne, draguant un jeune homme sous les yeux de son père. Dans une scène suivante, Léo écrit cette rencontre. Avons-nous vu Léo ou sa projection ?

Guiraudie jongle avec ses fils narratifs, si bien qu’on se perd rapidement entre la réalité de l’intrigue initiale et celle du possible scénario de Léo, deux mondes réunis après une hallucinante séance de magnétisme végétal menée par une dryade illuminée. L’agréable ivresse provoquée par ce tourbillon narratif permet au cinéaste d’aborder une foule de sujets liés au terroir pastoral du film – misère sexuelle et économique, solitude et vieillissement – ainsi que de tresser un fantastique parallèle entre l’angoisse du père et celle du scénariste. On devine que Léo est un double du cinéaste, égaré entre ce qu’il vit et ce qu’il écrit.

L’admirable liberté de ton fait de Rester Vertical une expérience intime et unique, où le spectateur est guidé vers son interprétation propre.

Le silure de L’Inconnu s’est transformé en loup, mais c’est bien la même crainte de l’altérité sauvage qu’il personnifie. Rester Vertical réexplique, dans un final grandiose, qu’on ne peut vaincre la peur qu’en l’affrontant, debout.

Pierre-Auguste Henry


1h40 - France - Scénario : Alain GUIRAUDIE - Interprétation : Damien BONNARD, India HAIR, Laure CALAMY, Christian BOUILLETTE, Basile MEUILLERAT.

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