Indochine
de Régis Wargnier
Sélection officielle
Cannes Classics






Mère et fille

Succès public et critique, récompensé par plusieurs prix dont l'Oscar du meilleur film en langue étrangère et le César de la meilleure actrice pour Catherine Deneuve, Indochine est le film le plus célèbre de Régis Wargnier. Son sujet romanesque, son budget luxueux et son style classique en font aussi un archétype de cette nouvelle « qualité française » qui a marqué le cinéma des années 1980 et 90, de Fort Saganne d'Alain Corneau à Ridicule de Patrice Leconte, en passant par Camille Claudel de Bruno Nuytten. L'histoire avait tous les atouts pour toucher un vaste public, avec ce récit d'une double passion amoureuse dans un contexte historique reconstitué avec didactisme. Éliane Devries (Catherine Deneuve) dirige une plantation de caoutchouc dans un domaine qui appartient à son père (Henri Marteau). Cette femme de pouvoir qui a appris à vivre sans amour a adopté Camille, une princesse annamite (Linh Dan Pham). Elle est l'amie de Guy Asselin (Jean Yanne), le directeur de la Sûreté qui veille sur elle avec affection. L'arrivée de Jean-Baptiste Le Guen (Vincent Perez), un jeune officier que les idéaux de grandeur empêchent de vivre, va bouleverser l'existence d'Eliane et Camille. Le talent des scénaristes est d'avoir greffé à cette trame mélodramatique l'évolution de la situation géopolitique en Indochine, de la montée du nationalisme dans les années 1930 à l'indépendance du Viêt Nam en 1954, même si l'action est concentrée autour d'une période phare de la vie des deux femmes. Le film n'a certes pas le souffle d'Autant en emporte le vent ou du Docteur Jivago dans sa dimension mélodramatique, et il manque le Bertolucci de 1900 pour en faire une véritable œuvre engagée, mais Indochine excelle à dépeindre une petite communauté coloniale inconsciente des dégâts qu'elle commet et prise au piège d'une rébellion qui la dépasse.

Le personnage d'Éliane est ici le plus fort : son drame individuel croise un conflit collectif et Catherine Deneuve est touchante dans sa composition de femme à la fois autoritaire et fragile, jalouse et protectrice, conservatrice et éclairée, retrouvant avec sa fille le même problème que Lana Turner avec Sandra Dee dans Mirage de la vie de Douglas Sirk. Même si l'actrice a trouvé ses meilleures compositions avec Demy, Truffaut, Buñuel ou Téchiné, c'est sans doute le rôle d'Éliane qui lui a apporté la consécration internationale, soulignée par une nomination à l'Oscar. Si la première heure est soignée mais peine à dépasser le cadre compassé des productions de prestige, le film devient vite captivant dans sa seconde partie, qui voit Camille prendre la fuite pour rejoindre l'homme qu'elle aime. Indochine séduit alors par son lyrisme et sa beauté picturale. L'équipe technique et artistique n'y est pas pour rien et on peut louer la partition musicale de Patrick Doyle ou les superbes prises de vue de François Catonné. Et le choix des lieux de tournage s'est avéré fructueux : Hanoï pour les paysages sauvages où Camille se réfugie, Hon Gay pour les mines de charbon, le palais de Bao Dai pour une scène de mariage. Si les acteurs asiatiques sont parfois sous-utilisés (on ne reprochera cependant pas aux producteurs d'avoir repris un schéma colonial), le casting est sans failles et une belle brochette de seconds rôles entoure les têtes d'affiche. Dominique Blanc, Carlo Brandt ou Xavier Saint-Macary sont ici les dignes héritiers des Fréhel, Le Vigan ou autres Dalio croisés naguère dans des bandes de Duvivier ou Carné. Indochine a fait l'objet d'une restauration proposée par Studiocanal. La numérisation a été effectuée à partir du négatif original par L’Immagine Ritrovata.

Gérard Crespo



 

 


1992 - 2h40 - France - Scénario : Catherine COHEN, Louis GARDEL, Erik ORSENNA, Régis WARGNIER - Interprétation : Catherine DENEUVE, Vincent PEREZ, Linh-Dan PHAM, Jean YANNE, Dominique BLANC, Carlo BRANDT, Gérard LARTIGAU, Andrzej SEWERYN, Hubert SAINT-MACARY, Thibault de MONTALEMBERT, Henri MARTEAU

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