La Vénus à la fourrure
de Roman Polanski
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 13 novembre 2013




Ah je vois ! vous avez vendu votre âme pour une allitération !

Doubler la Palme du Pianiste, pas évident, mais pourquoi pas ? Mais récompenser Emmanuelle Seigner aurait pu être à l’ordre du jour des délibérations, tant Polanski lui a offert un rôle enfin à sa mesure : troublante, érotique, son jeu animal colle au personnage inspiré par la Venus in fur de David Ives, face à un Mathieu Amalric en clone de Polanski, tous deux emportés dans une mise en scène rigoureuse et fluide à la fois, au service d’un texte hilarant de bout en bout, à la faveur de jeux de miroir dans lesquels se délectent les comédiens et du plaisir espiègle que prend le réalisateur de les y perdre.
Le parcours initial est minimaliste : il pleut sur un boulevard parisien, la caméra bifurque à droite pour s’engouffrer dans un théâtre, dont on ressortira in fine par le même procédé inversé.
Le décor est à l’avenant, constitué des séquelles de la pièce précédente, dont un cactus géant, qui aura son rôle à jouer.
L’argument est mince, qui installe un huis-clos total : un metteur en scène prétentieux se décourage de trouver la comédienne apte à endosser le rôle de Vanda.
Quand débarque, en retard, mouillée, encombrée d’un énorme sac… une fille vulgaire, bavarde, collier de chien, « genre » (pour employer une de ses expressions favorites) pute. Bref, elle a tout faux ! Thomas essaie d’esquiver, mais la candidate est tenace et a plus d’un tour dans son fameux sac. Puisqu’il s’agit d’audition, audition il y aura. En plus cela tombe bien, elle aussi s’appelle Vanda…

Après ? Eh bien après on serait tenté de citer les dialogues dans leur intégralité. Les expressions « nabillesques » de Vanda, opposées au velouté du texte original : « Vous voyez ce que j’veux dire ? » ; « Waouh ! Thomas ! ce passage, il est génial » ; « Si on veut mon cul, faut prendre tout ce qui va avec : c’est bien de ça que parle la pièce ?! »

Tandis que Vanda décrypte, puis récrit la pièce à sa façon, règle les éclairages, fournit les costumes qui « le font », se glisse dans le rôle comme dans un gant, elle met Thomas à nu, qui, allant de surprise en surprise, se laisse totalement déposséder de son projet, posséder par une machiavélique inversion des rôles et prendre au piège du rapport domination-soumission : « Mais qui êtes-vous donc Frau Vanda Jourdain ? »
Dans cette mise en abîme, on ressent à quel point le maître de marionnettes Polanski, tout à sa trouvaille, se délecte dans la direction de ses acteurs et s’offre même la délicatesse de bruiter des gestes et accessoires purement imaginaires.

Le fabuleux trio nous offre un grand moment de cinéma, de théâtre, de comédie et de rire.

Marie-Jo Astic



 

 


1h30 - France - Scénario : Roman POLANSKI, d'après la pièce de David Ives - Interprétation : Emmanuelle SEIGNER, Mathieu AMALRIC.

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