La Fée
de Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy
Quinzaine des réalisateurs
palme

Sortie en salle : 14 septembre 2011




« Du cinéma fée maison »

Alors qu’ils commencent à se faire un nom dans le milieu du spectacle burlesque (Tasse d’Or en 1988 au Festival Performances d’Acteurs de Cannes), Abel & Gordon (Dominique Abel et Fiona Gordon) s’installent en 1989 à Bruxelles dans une ancienne fabrique de poussettes. La rencontre avec Bruno Romy sera le point de départ du passage à l’écran avec quelques courts métrages dont Walking on the wild side qui circule toujours dans de nombreux festivals. Avec L’Iceberg en 2005, puis Rumba, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes en 2008, Abel, Gordon et Romy impose un style cinématographique bien à eux, visuel et cocasse, affable et poétique. La Fée (leur troisième long métrage) confirme le talent du trio dans l’invention de situations permettant aux corps de s’exprimer à la place des mots.

Dom est veilleur de nuit dans un petit hôtel du Havre, vissé dans une routine que l’on sent fragile. Fiona débarque, pieds nus et sans bagage et propose à Dom – statut de Fée oblige – trois vœux. Les deux premiers sont rapidement réalisés mais Dom sèche sur le troisième. Alors qu’il tombe amoureux de Fiona, celle-ci disparaît…

On sent le plaisir des réalisateurs/acteurs à occuper le décor naturel de la ville du Havre et chaque tableau profite de la géométrie et des couleurs du lieu. Le cinéma d’Abel, Gordon et Romy s’appuie beaucoup sur des plans assez larges et fixes ; la composition du cadre a donc un rôle essentiel.


Les entrées/sorties de champs, les rapports de masse, les contrastes de couleurs, les oppositions entre lignes sinueuses des corps et traits rectilignes des décors… sont autant de catalyseurs des effets burlesques des situations. Le mouvement s’installe par les corps. Des corps qui bougent, qui courent, qui dansent, qui trébuchent, qui grossissent, qui se couvrent et se découvrent, qui volent… Mais la caméra sait aussi se mettre en mouvement, comme le sont perpétuellement les personnages. Tel ce fabuleux travelling latéral qui ouvre le film, suivant Dom à vélo sous la pluie, un sac poubelle sur la tête, ou les courses poursuites dans les larges avenues du Havre. Recourant à des trucages visuels classiques opérés sur le plateau, souvent bricolés mais très efficaces, le traitement des « effets spéciaux » rajoutent à la générosité qui inonde le film. Car si l’optimisme de La Fée n’est pas si naïf qu’il y paraît et laisse parfois une impression crépusculaire, l’empathie et la bienveillance transpire de tous les plans.

Les rares maladresses scénaristiques et débrayages rythmiques auraient pu faire trébucher le film comme le serveur myope (hilarant Bruno Romy) du Bar de l’Amour Flou… Mais derrière cette fausse maladresse, se révèlent une grande maîtrise de l’écriture cinématographique et un levain d’humanité qui gonflent le film vers la forme jubilatoire qui lui convient.

Jean Gouny


1h33 - Belgique, France - Scénario : Dominique ABEL, Fiona GORDON, Bruno ROMY - Interprétation : Dominique ABEL, Fiona GORDON, Bruno ROMY.

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