Paranoid Park
de Gus Van Sant
Sélection officielle
Prix du 60e anniversaire

palme


Les films de Gus Van Sant sont de curieux objets de cinéma que l'on imaginerait voir projeter en boucle dans un musée d'art contemporain. Adaptation d'un roman lui-même basé sur des faits réels, Paranoid Park est le portrait éclaté d'Alex, un adolescent skater qui a tué accidentellement un agent de sécurité.
La veine expérimentale de Gerry et Elephant se poursuit, cette dernière livraison reprenant tant les recherches formelles que le portrait d'un certain désarroi de la jeunesse. Sur le plan technique, l'alternance de super 8, vidéo et 35 mm marque la volonté de tester divers formats, tandis que la partition musicale passe avec aisance du fidèle Elliot Smith à l'hommage à Nino Rota. D'autres références semblent nourrir le projet. Une brève séquence d'un homme coupé en deux continuant à ramper évoque l'horreur de Freaks ou des Lynch tandis que la chorégraphie des rituels du skateboard utilise les ralentis les plus élégants depuis Lola de Demy.
Le montage permettant de revivre les dernières heures d'Alex avant le drame reprend le procédé d'Elephant, mais en plus éclaté, et il faut se remémorer certains essais de Resnais pour retrouver un tel vertige dans la reconstitution d'un puzzle narrarif et psychologique. L'approche distanciée du cinéaste avec le réel nous invite à cerner le mystère qui entoure les personnages, plutôt que de proposer un discours analytique et moralisateur.


Luc Ferry regrettait d'ailleurs l'absence de condamnation morale explicite des jeunes tueurs de Elephant. C'est oublier que l'atrocité de leur geste était déjà suffisamment éloquente, et que le cinéma est aussi l'art de la suggestion. Ici, les paramètres environnementaux pourraient être prétexte à une lecture sociologique de la jeunesse. Livré à lui-même avec une mère discrète et cherchant à s'évader dans l'univers interlope d'un quartier mal famé, Alex glisse vers l'anomie et la déviance. Mais tel n'est pas le propos du réalisateur qui préfère le récit elliptique et la poésie, et dont le minimalisme des dialogues est saisissant : « J'ai un passé artistique assez visuel. J'aime le mouvement, les corps qui se déplacent... Le cinéma montre des personnes qui bougent. Récemment, il y a eu une dislocation par rapport aux dialogues », déclarait Gus Van Sant à la conférence de presse.
Comme l'œuvre de Larry Clark mais en moins trash, ses films offrent une radioscopie singulière d'une certaine Amérique.

Gérard Crespo


1h25 - USA - Scénario et dialogues : Gus Van Sant - Photo : Christopher Doyle - Décors : John Pearson-Denning - Musique : -- Montage : Gus Van Sant - Son : Leslie Shatz - Interprétation : Gabe Nevins, Taylor Momsen, Jake Miller, Dan Liu, Lauren McKinney, Scott Green.

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