Troie
Troy
Wolfgang Petersen
Sélection officielle
Hors compétition

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Sur moi donc les ironies s'avancent et portent sur mon front la terrible souffrance… d'oser attribuer une si belle palme à un film par les humains tant décrié.
Bien sûr il y a l'étrange liberté prise avec l'histoire, la légende y laisse quelques plumes, les dieux et leur implication brillent par leur absence, Briséis endosse un rôle surprenant, les amours d'Achille et de Patrocle sont pudiquement édulcorées — ceci expliquant cela —… il y bien sûr fort à redire sur le traitement qu'inflige Hollywood à l'une des plus belles épopées antiques.
Mais il y a au moins un avantage flagrant pour ceux qui, enfants, ont lu et relu ce conte sans jamais arriver à prendre parti pour l'un ou l'autre des camps. Ils trouvent enfin une réponse à un long questionnement : c'est bien vers les Troyens qu'il fallait pencher.
Car côté grec, les choses deviennent un peu spartiates : et non, Agamemnon n'est plus le magnifique demi dieu qu'il fut, hélas Ménélas n'est qu'une brute infâme. Achille est rétrogradé au rang d'un Akelis copieusement ridiculisé par Brad Pitt, Patrocle — que l'on aimait tant et dont on pleura tant la mort — est déconcertant d'insipidité. Ulysse est vraiment un retors félon et entre nous, a bien mérité l'Odyssée qui, à en croire la légende, l'attend dans pas longtemps. Et que sont Ajax, Diomède et autres fiers et magnifiques guerriers devenus ?

Cette race-là émarge manifestement dans le camp d'en face, chez les Troyens : là tout n'est que droiture et bonté, courage, abnégation et équité. Même Pâris, jeune inconscient par qui le scandale et l'anéantissement arrivent, devient franchement sympathique. Hélène de Sparte, mais Troyenne d'adoption car de cœur, prouve que la guerre en valait les massacres, Priam vient à bout de votre dernier kleenex. Et puis il y a Hector, si beau, qui, par Zeus, confirme qu'il est le meilleur des maris pour sa chère Andromaque, le meilleur père pour son petit Anchise, le meilleur fils pour le vieux Priam, le plus brave, prêt à tous les sacrifices pour sa patrie et même à faire péter son armure comme, paraît-il, d'autres l'ont fait depuis avec leurs chemises…
Alors, cette trop belle palme ? Eh bien, elle s'exhibe fièrement parce que, pour ce qui concerne l'Iliade, même la version de Wolfgang Petersen, même les suivantes — et on pourrait faire bien pire — n'y pourront rien. Il y a là, invincible, l'immortalité d'une œuvre, peuplée de héros eux aussi en quête d'éternité. Quelque chose à tel point ancré dans l'enfance et dans de fabuleux souvenirs de lecture que tous les détournements possibles s'abîmeront à vouloir l'abîmer, quelque chose qu'un jour nous a chanté un poète à l'aurore de nos vies, un temps dont les doigts de rose ont laissé en nous une marque indéfectible.

Marie-Jo Astic


2h43 - Etats-Unis - Scénario, dialogues : David Benioff - Photo : Roger Pratt - Décors : Nigel Phelps - Montage : Peter Honess - Musique : James Horner - Interprétation : Brad Pitt, Eric Bana, Orlando Bloom, Diane Kruger, Brian Cox, Sean Bean, Brendan Gleeson.

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