Carnets de voyage
The Motorcycle Diaries - Diarios de motocicletas

Walter Salles
Sélection officielle
Prix Vulcain de l'Artiste-Technicien décerné par la CST à Eric Gautier
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Evacuons tout de suite les états d'âme : voici un film que l'on aurait aimé voir figurer au palmarès, desservi semble-t-il par ses qualités mêmes. Sans doute jugé trop académique, Carnets de voyage puise cette apparence de classicisme dans l'honnêteté de sa facture, sa simplicité, sa spontanéité, son authenticité. C'est pourtant cet aspect “brut de décoffrageî qui lui confère toute sa vérité.
Walter Salles ne revendique en effet aucune démonstration et réussit le pari de préserver un équilibre improbable entre deux personnages — génialement interprétés par Gael Garc’a Bernal et Rodrigo de la Serna —, dont l'un deviendra pourtant le symbole de la révolution cubaine et un mythe rarement égalé dans l'histoire. Il suffit pour cela au cinéaste de resituer deux jeunes hommes unis par leur condition sociale et un paysage mental particulier, d'analyser le plus naturellement du monde leur passage à l'âge adulte, de révéler une commune et prise de conscience, de témoigner de la vision de deux paires d'yeux grand ouverts sur le monde et profondément transformée par ce qu'elles y ont vu.
En désir d'aventure, Alberto et Ernesto, Argentins issus de familles aisées, étudiants en biologie et médecine, décident de découvrir leur continent, l'Amérique Latine et enfourchent la Poderosa, une vieille moto Norton 500 de 1939. Malgré les chutes de puissance de la Puissante, vaincue par épuisement au cours d'un périple de plus de douze mille kilomètres et des conditions de voyage extrêmes, ils traversent l'Argentine, le Chili, le Pérou où ils rejoignent une léproserie, étape qui engendre quelques-unes des plus émouvantes scènes du film.

Entre temps le ton léger, plein d'humour, dû à leur jeunesse et à la belle vigueur d'Alberto, a évolué vers plus de gravité : le voyage initiatique a cédé le pas devant la recherche d'une identité latino-américaine, qui, loin d'avoir réussi sa fédération, cherche toujours ses repères, puisque aujourd'hui encore les problèmes structuraux et sociaux qui ont tant frappé Ernesto et Alberto sont loin d'être résolus.
Un état des lieux qui confère une vraie modernité à l'écriture de ces notes de voyage, lui restituant toute sa signification contemporaine. Avec en plus la générosité d'un cinéaste visiblement amoureux de ces pays, de leurs histoires, de leurs civilisations, de leurs cultures, de leurs races. « Comment puis-je regretter quelque chose que je n'ai pas connu ? » « Comment une civilisation qui a pu construire ça [Machupichu, temples incas], a-t-elle pu être anéantie ? » En faisant de nous les témoins de la prise de conscience du futur Che et de ses premières révoltes, Walter Salles confère une universalité à la démarche d'un homme qui vivra pourtant un destin hors du commun.

Marie-Jo Astic


2h06 - Argentine, Brésil, Chili, Pérou, Etats-Unis - Scénario, dialogues : Jose Rivera - Photo : Eric Gautier - Décors : Carlos Conti - Montage : Daniel Rezende - Musique : Gustavo Santaolalla - Interprétation : Gael Gazrcia Bernal, Rodrigo de la Serna, Mercedes Moran, Jean-Pierre Noher, Lucas Oro, Marina Glezer.

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