Filles perdues, cheveux gras
Claude Duty
Semaine Internationale de la Critique
Grand Rail d'or

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Itinéraire croisé de trois jeunes femmes perdues : Elodie veut retrouver sa fille, Natacha son chat et Marianne son âme. Elles trouvent l'amitié et l'amour non sans avoir rencontré sur leur chemin un méchant séducteur, un ethnologue accueillant, un thérapeute musclé, un guerrier Massaï, un aborigène, des Incas, des femmes girafes et divers animaux...

Ce premier long métrage est un petit miracle de fraîcheur et d'humour noir. Deux appréhensions pouvaient légitimement entraîner un préjugé défavorable. En premier lieu, le synopsis laisse présager un récit de plus sur des Bridget Jones, avec un bazar décoratif et pittoresque digne de mauvais Jeunet ou Klapisch. Le cinéaste se tire du piège par un second degré jubilatoire et une drôlerie irrésistible des situations. Le politiquement incorrect est roi : trois animaux sont malencontreusement trucidés, même si deux d'entre eux ressuscitent par le miracle de l'onirisme (il faut remonter à Un poisson nommé Wanda pour retrouver une telle audace) ; la tante handicapée, vociférant après une Elodie jugée inconsciente, est remise à sa place avec la même insistance que Gabin faisant taire Jules Berry dans Le Jour se lève.

En second lieu, le kitsch des chansons incrustées peut dans le premier quart d'heure faire craindre un ratage grandiose, des cinéastes, et non des moindres (Akerman, Rivette, Ducastel/Martineau), s'étant cassé les dents à ce petit jeu musical. Depuis Danielle Darrieux susurrant d'aimables mélodies dans les comédies de Henri Decoin aux ritournelles des surestimées Chansons d'amour, le cinéma français a manié avec plus ou moins de bonheur ce procédé tant maîtrisé par Hollywood.

Claude Duty s'en sort ici avec honneur. Sans atteindre la perfection de On connaît la chanson ou 8 femmes, sans parler bien sûr des films de Jacques Demy, Filles perdues cheveux gras réussit à faire déclamer le désespoir en chansons, dans un élan musical agrémentant le subtil mélange des genres (mélodrame, comédie loufoque, critique sociale) voulu par le cinéaste.

On se doit enfin de dire un mot sur l'interprétation. Si l'on regrettera les trop courtes apparitions de Charles Berling, Sergi Lopez et Romain Duris, on ne peut que louer l'admirable trio de comédiennes. Amira Casar (Peindre ou faire l'amour) et Olivia Bonamy (La Captive) sont délicieuses mais c'est Marina Foïs qui est la véritable révélation comique du film. Composant un savoureux portrait de Gelsomina des temps modernes, elle domine aisément la distribution et se doit de trouver la place qu'elle mérite dans le cinéma français.

Gérard Crespo


1h36 - France - Scénario : Claude Duty, Jean Philippe Barrau, Pascale Faure - Photo : Bruno Romiguiere - Son : Cyril Moison - Décor : Jean Pierre Cleche - Musique : Valmont - Paroles : D-P Burgaud - Montage : Agnès Mouckel - Interprètes : Amira Casar (Marianne), Marina Foïs (Natacha), Olivia Bonamy (Elodie), Charles Berling (Arnaud), Sergi Lopez (Philippe), Evelyne Buyle (Mme Pelissier), Léa Drucker (Coraline), Esse Lawson (Cindy), Romain Duris (Le type dans l'appartement), Renée Le Calm (La concierge).

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